Sur le vif - Mercredi 04.08.21 - 00.13h
Là-haut sur la montagne, des femmes et des hommes d'un incroyable talent, le brouillard d'un été qui ressemble à l'arrière-automne, la joie intense de l'écriture, lue à haute voix, et celle de la musique.
Je vous en parle depuis des années, cela s'appelle le Festival du Toûno, à Saint-Luc. Je reviens à l'instant de la magique soirée de mardi, brouillard dans la descente, brouillard dans la remontée, autour de minuit, notes de Schubert toutes sonores encore dans l'empreinte de ma mémoire, sentiment intense d'avoir rencontré des passionnés.
Le Toûno, c'est la célébration de la chose écrite, de la lecture où chaque soupir, chaque virgule, chaque silence ou semi-silence a son poids. Et c'est la sublimation de la voix humaine, accompagnée par la musique. Dans un décor de rêve, celui de l'Alpe enrobée de gris et de nimbes, celle du Romantisme allemand tel qu'on se le figure sans souvent le connaître, parce qu'on le confond avec le Sturm und Drang, qui l'a précédé dès les années 1770. Bref, Caspar David Friedrich aurait pu être l'hôte invisible de ce mardi 3 août 2021.
Les lectures, c'étaient deux textes à la fois précis et troublants, Le Bleu des origines de Christiane Antoniades-Menge, puis l'Enfant lézard de Vincenzo Todisco, avec les voix de Yasmine Haller, Caroline Gasser et Roland Vouilloz.
La musique, sous le titre général de "Licht und Liebe" (l’inoubliable Lied de Schubert, sur les paroles de Matthäus von Collin, l’un des Autrichiens qui se battent, au tournant des 18ème et 19ème, pour la puissance de la langue allemande sur les notes de musique allemandes, combat fondateur du Sturm und Drang, puis du Romantisme germanique primitif), c'étaient les Lieder de Schubert, puis Rossini, Donizetti, et enfin Bernstein, chantés par Laure Barras (soprano), Gabriel Courvoisier (ténor), et accompagnés au piano par l'étincelante Irene Puccia, dont la virtuosité fine et délicate nous avait déjà éblouis lors d'éditions précédentes.
Le Toûno, c'est le pari de la passion. Une toute petite équipe, autour notamment de Michèle Courvoisier et Claude Darbellay, pour tout organiser. La fidélité sans faille, depuis des années, d'un public de passionnés, venant pour la performance artistique, mais aussi pour la chaleur d'une ambiance, où l'estime mutuelle atteint un rare degré de plénitude. Le Toûno, ce sont des fragments de vie autour de la note musicale, de la voix humaine, de l'amitié en altitude.
Allez voir le programme. Il reste quatre jours. Mercredi et jeudi, en l'Eglise de Vissoie, ce sera Cosi fan tutte. Pour ma part, je remonterai samedi pour les Rives bleues du compositeur vaudois Carlo Hemmerling (1903-1967), avec les voix de Géraldine Cloux, Oscar Esmerode, Anthony Paccot, Cao-Thang Jeffrey Pham, le Chœur Le Jardin des Voix, la pianiste Irene Puccia, le tout sous la direction de Grégoire May.
Je vous souhaite une suite d'été musicale et littéraire, avec des gens que vous appréciez, en des lieux où souffle l'esprit.
Pascal Décaillet