Sur le vif - Jeudi 20.08.20 - 09.59h
Helmut Hubacher, que j'ai connu à Berne lors de mes premières années comme correspondant au Palais fédéral, était un vrai militant socialiste, au service des plus précaires de notre pays. Il avait la fibre sociale, un sens aigu des rapports de forces, et aussi, comme Président du PSS (1975-1990), un art du compromis entre partis, après des discussions dont l'âpreté était légendaire. Il n'était pas un type facile.
Cette génération de syndicalistes, qui ont connu la guerre, construit la société suisse des Trente Glorieuses, vu naître la prospérité de notre pays (eh oui, elle est beaucoup plus récente qu'on ne l'imagine), participé à l'élaboration de nos grandes assurances sociales, côtoyé des figures immenses comme Hanspeter Tschudi (socialiste, Bâle-Ville, comme Hubacher), l'homme qui vient de nous quitter, à 94 ans, en était l'un des tout derniers représentants.
Aujourd’hui ? Aujourd'hui, caviar ! Les élites socialistes font partie de la tranche supérieure de la classe moyenne. Elles préfèrent souvent la morale à la politique. Elles ont - à part quelques exceptions, bien sûr - perdu le sens des rapports de forces. Elles privilégient les grands discours cosmopolites à la défense des intérêts supérieurs de la Suisse, et surtout des Suisses. Elles sont coupées du peuple, coupées des plus précaires, coupées des chômeurs, des délaissés.
Helmut Hubacher, bougon et revêche, n'était pas de ce monde-là. Il surgissait d'un univers où, à gauche, la défense du peuple et de la nation avaient encore un sens.
Pascal Décaillet