Sur le vif - Mardi 08.10.19 - 10.12h
10.12h - Je viens d'écouter l'historien britannique Julian Jackson, ce matin à la RSR, sur son livre monumental consacré à Charles de Gaulle, "Une certaine idée de la France", Seuil, 980 pages. Livre que je vais évidemment acheter, dans les jours qui viennent.
Julian Jackson parle parfaitement français, et tout ce qu'il a dit ce matin est exact et intéressant, encore que rien de nouveau, pour qui est peu ou prou immergé dans la gaullologie, n'ait émergé.
Le seule vraie nouveauté ne réside peut-être pas tant dans le livre (que je me réjouis tout de même de découvrir) que dans la qualité, l'originalité, d'un regard britannique sur de Gaulle.
Charles de Gaulle, très porté sur l'Allemagne dès le début de son adolescence, accumulant les références à la littérature allemande dans ses écrits, déteste l'Angleterre. Il n'en parle pas la langue, n'a même pas réussi, en près de quatre ans d'exil à Londres (40-44), à la parler correctement. Il admire la grandeur et la solidité des institutions britanniques, mais reconnaît dans la perfide Albion l'ennemi héréditaire que l'Allemagne, elle (malgré 1870 et 1914), n'est pas du tout.
L'entretien de ce matin, intéressant, a porté justement sur ce paradoxe : il s'exile à Londres le 17 juin 1940 pour porter la voix de la France, reçoit l'aide de Churchill, mais "dévore la main qui le nourrit". C'est parfaitement exact, de même que son ingratitude : Charles de Gaulle, l'un des plus grands hommes qu'ait hanté la France, est l'une des figures politiques les plus ingrates de l'Histoire.
Je lirai donc Julian Jackson. Et vous invite (http://pascaldecaillet.blogspirit.com/…/john-e-jackson-lisez-l…) à relire mon blog du 27 septembre, où je dis ma colère contre son homonyme, le grand critique littéraire John E. Jackson, qui croit bon de rabaisser le prodigieux triptyque de Lacouture (le Rebelle, le Politique, le Souverain), première grande biographie du Général dans les années 80, la rangeant à tort parmi les hagiographies.
C'est une forfaiture que d'avoir laissé entendre cela, car la biographie en trois volumes de Jean Lacouture a été, en son temps, porteuse d'innombrables nouveautés, des choses que personne ne connaissait, et qu'il avait su défricher. A cela s'ajoute la qualité - exceptionnelle - du style. Jean Lacouture, dont j'ai lu tous les livres, de Nasser à Champollion, et que j'ai eu maintes fois l'honneur d'interviewer, était un écrivain.
Alors oui, lisons Julian Jackson. Et n'oublions jamais de lire et relire encore le triple chef d’œuvre de Lacouture.
Pascal Décaillet