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Le printemps des peuples ne fait que commencer

 

Sur le vif - Samedi 25.08.18 - 09.38h

 

Les peuples d'Europe éprouvent, en profondeur, le besoin d'être écoutés.

 

Non pas "écoutés", comme dans un sondage d'opinion. Mais "écoutés", comme décideurs de leurs destins nationaux. Ecoutés, non comme une doxa (l'opinion majoritaire, le Café du Commerce), mais comme un démos (le peuple institutionnel, le corps des citoyennes et citoyens, celui qui a voix au chapitre, celui qui vote, et tranche).

 

En Suisse, nous avons cette chance extraordinaire. Le peuple n'est pas une masse informe, qu'il s'agit juste de séduire pour se faire élire. Non, il constitue un collège électoral. Non pas de 246 personnes, mais de cinq millions ! Il faut être citoyenne ou citoyen suisse, et avoir 18 ans ou plus.

 

Ce collège n'est pas une fiction, ni un alibi. Quatre fois par an, il est appelé à voter, non pour élire des gens (cela, c'est tous les quatre ans), mais pour se prononcer sur des questions de fond. En Suisse, le suffrage universel décide sur des thèmes. En cela, il tisse et précise, au fil des décennies, le destin de la nation.

 

C'est une chance exceptionnelle que nous avons. Notre démocratie directe ne doit être touchée que pour augmenter son pouvoir, en aucun cas pour le réduire : n'écoutons pas la complainte grisâtre, jalouse, acariâtre, de la petite clique de professeurs de droit qui voudraient remplacer l'arbitrage universel par celui de commissions de Sages, autrement dit des cléricatures, des oligarchies.

 

Citoyen suisse, je ne prétends pas que le modèle de mon pays, fruit d'une Histoire idiomatique à nulle autre comparable, doive être reporté sur les autres. C'est à chaque peuple d'Europe, en fonction du génie propre de chaque nation, de faire le chemin vers davantage de démocratie. Et de se donner les moyens institutionnels d'y parvenir.

 

Mais c'est urgent. Les Français n'en peuvent plus du cirque politique parisien imposé, d'en haut, à l'ensemble du pays. Ils n'ont absolument pas digéré d'avoir, en mai 2005, été interrogés sur le Traité européen, d'avoir dit non, et qu'au final le oui fût imposé. Les Allemands veulent qu'on les écoute sur les flux migratoires. Les Italiens veulent reprendre en mains leur destin national, et notamment contrôler eux-mêmes leur immigration.

 

Oui, les peuples d'Europe se réveillent. C'est inéluctable. C'est un printemps de plusieurs années, voire plusieurs décennies. Cela passera par des hauts et des bas, des avancées, des reculs. Mais dans une vision macro-historique, celle qui tente d'apprécier les choses globalement, les peuples en ont assez que le pouvoir de décision leur soit confisqué. Alors, ils vont le conquérir. Cela ne fait que commencer.

 

Pascal Décaillet

 

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