Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 21.03.14
J’ai toujours été profondément francophile. L’Histoire de ce pays m’habite. Je vis avec elle, ai lu toutes les biographies possibles et imaginables de ses grands hommes. Oui, j’aime la France, sa politique, ses écrivains, et même de plus en plus, de Rameau à Debussy, ses musiciens. Au moment où ce pays va élire ses dizaines de milliers de maires et de conseillers municipaux, acte majeur de proximité, son état général n’est pas perçu comme bon par ses voisins. Saignée économique, délocalisations, chômage installé depuis des décennies, relation difficile à l’immigration. Amertume. Gueule de bois.
Surtout, le crédit du politique s’est effondré. Quand j’étais enfant, le chef de l’Etat s’appelait Charles de Gaulle, il incarnait la grandeur du pays. On l’aimait ou non, mais la référence était là, puissante, majestueuse. Un demi-siècle plus tard, toutes les politiques de lutte contre le chômage ayant échoué, de gauche comme de droite, nos voisins ont de plus en plus de peine à croire à la politique elle-même. C’est pourtant eux, à bien des égards, depuis 1789, qui nous en ont inventé le modèle, avec ces mots sublimes de nos livres d’Histoire, la Gironde, la Montagne, les Jacobins. Et eux, hélas, aujourd’hui, qui ne semblent plus y croire.
A mes amis français, je dis que la politique est une grande, une immense chose. Qu’on soit de gauche, de droite, il s’agit d’organiser ensemble notre destin commun dans la République. Valeur universelle, à Paris comme en Valais, à Genève comme à Kiev, Tunis ou Athènes. Elire ses maires, ses conseils communaux, c’est justement l’un des actes amiraux de l’appartenance républicaine. Ce pays qui, des Soldats de l’an II à François Mitterrand, en passant par Guizot, Jules Ferry ou Mendès France, nous a tant légué de modèles, j’aspire profondément à ce qu’il retrouve ce souffle puissant de démocratie qui, aujourd’hui, lui fait défaut. Il appartiendra aux Français de le trouver. Dans le génie propre qui est le leur. Chaque pays a sa logique.
Je doute que cette renaissance puisse passer par d’autres chemins que celui d’une parole accrue au suffrage universel. Peut-être une Sixième République. Moi qui ai exactement l’âge de la Cinquième, créée par un homme d’exception, je puis témoigner qu’elle n’a pas démérité. Mais à d’autres générations, d’autres défis. Français, étonnez-nous !
Pascal Décaillet