Commentaire publié dans GHI - 08.05.13
La politique genevoise manque de valeurs. N’entendez pas, je vous prie, ce mot au sens de la morale : je me suis toujours abstenu de mêler la politique avec la morale. Non, valeurs proprement politiques : pourquoi suis-je dans tel parti, d’où vient-il, quelle est son Histoire, quels sont ses fondements philosophiques, comment a-t-il évolué ? Trop peu de politiciens, hélas, trop peu de candidats aux élections de cet automne, sont capables de répondre à ces questions. C’est grave. Rien n’est plus inquiétant que l’ignorance de soi-même, rien de plus vide que ces candidats de hasard, juste sur une liste ou dans un parti par automatismes familiaux, besoin clanique de s’agglutiner, extase grégaire : le troupeau, pour combler son incapacité à s’affirmer seul.
Je ne supporte pas d’avoir face à moi un politique ne connaissant pas à fond l’Histoire de son parti. Dans son canton, au niveau fédéral, et aussi à l’échelon européen. Un PDC incapable de parler de Léon XIII, Marc Sangnier, Schuman, de Gasperi, Adenauer, Furgler, ne mérite pas d’être intégré à cette formation. Idem, un radical n’ayant jamais entendu parler, à Genève, d’un Fazy ou d’un Carteret. Un socialiste inapte à disserter sur Jaurès ou Jules Guesde, Léon Blum ou Willy Brandt. Ou Tschudi. Ou Chavanne.
Il ne s’agit pas de vouloir des singes savants. Mais bien mieux que cela, justement : des gens qui aient, jusqu’au fond de leurs fibres, vibré avec la philosophie de leur parti. Un Pierre Maudet, un François Longchamp, un Jean Romain savent pourquoi ils sont radicaux. Un Reverdin, pourquoi il était libéral. Un Grégoire Carasso, un Albert Rodrik, pourquoi ils sont socialistes. Et un Fabiano Forte, trop rare parmi les siens, peut vous sortir pas mal de fondements de la démocratie chrétienne historique, idem un Dal Busco. Se connaissant soi-même, on en sera mieux armé pour affronter le concurrent. Avec respect, mais sans concession dans le choc des idéologies.
J’ignore si le profil que je prône ici s’imposera cet automne. Mais c’est celui que je respecte. Il ne suffit pas d’afficher partout, en campagne, son bonheur de s’être greffé, au bon moment, sur le bon événement. Il faut donner à ses actes un sens. S’inscrire dans une vision du monde. Sinon, ce sera juste la conjuration du hasard, donc la mort du politique.
Pascal Décaillet