Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 25.05.12
Faut-il que chaque traité international signé par notre pays soit, systématiquement, soumis au peuple ? La question, sous la forme d'une initiative de l'ASIN (Action pour une Suisse indépendante et neutre), nous est soumise, le 17 juin prochain. Je n'ai pas encore pris ma décision face à cette initiative, il y a du pour et du contre, je vais, comme chaque citoyen, soupeser. Et le corps électoral élargi qu'on appelle « peule », dans moins d'un mois, tranchera. Mais autant vous dire, et c'est l'objet de cette chronique, qu'une chose, déjà, m'exaspère : la machine de guerre, boum boum badaboum, des opposants, avec les millions du patronat, et les éternels refrains du style « Trop de démocratie tue la démocratie ».
Bien sûr, le peuple peut déjà, aujourd'hui, attaquer, par référendum facultatif, les traités internationaux. Bien sûr aussi, la plupart de ces accords sont d'ordre technique, et les soumettre, quatre fois par an, au suffrage universel, aurait quelque chose de fastidieux. Mais la démocratie est fastidieuse ! Allez voir les travaux du Parlement fédéral, à Berne, où j'ai passé quelques années de ma vie : on y pèse chaque virgule, pour parvenir à des majorités. Et, pour ma part, il ne me déplaît pas de soumettre à la sagesse, ou la sagacité, de quatre millions de votants potentiels, ce que 246, certes légitimes, décident pour nous. Et si cela vous chante de me taxer d'antiparlementaire, faites-le, si ça peut vous faire du bien. Et si cela vous réjouit encore plus de m'imaginer marchant sur Rome, en 1922, lâchez-vous un bon coup.
Venons-en maintenant à economiesuisse, entendez le patronat. Le président de cette éminente organisation, Pascal Gentinetta, lâchait mardi matin (22 mai), sur les ondes de la RSR, le chiffre de ce qu'il mettait pour la campagne du non : entre 3 et 5 millions ! C'est beaucoup plus que le budget de l'ASIN ! Pourquoi un tel engagement financier ? Eh bien, parce que nombre d'accords internationaux, qui passent totalement inaperçus aux yeux du grand public, concernent de très près les intérêts des patrons : domaine bancaire, exportations, etc. En mettant un tel paquet contre l'initiative, notre bon patronat donne hélas l'impression de continuer à vouloir s'arranger entre soi, loin des légitimités démocratiques.
Le bon sens populaire pourrait bien s'en rendre compte. Et réagir comme le fit le peuple suisse le 6 décembre 1992, lors de la votation sur l'Espace économique européen. Ou le peuple de France en mai 2005, lors du vote sur le Traité européen, alors que la quasi-totalité des médias était pour. Bref, le souverain n'aime guère les unanimités de pensée, ni les propagandes dissimulées. Cela dit, encore une fois, sur cette initiative, ma religion n'est pas faite. Simplement, j'aime bien décider en conscience. Et pas sous la pression des bienpensants, surtout lorsqu'ils sont alliés, en l'espèce, aux forces de l'argent.
Pascal Décaillet