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Chirac vote Hollande ? Normal !

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Sur le vif - Mardi 17.04.12 - 14.50h

 

On le traite de fou. Ou de gaga. On dit que le Vieux a perdu la raison, se broute les neurones, file à l'ouest. Toujours l'ouest ! Lorsqu'il a dit une première fois qu'il allait voter Hollande, à la Pentecôte de l'an dernier, il s'est trouvé mille colombes salvatrices, dans son entourage, pour immédiatement rectifier le tir : c'était pour rire !

 

Las. Au-delà du problème personnel de Jacques Chirac face à Nicolas Sarkozy (la trahison vers Balladur à la présidentielle 1995), il faut vraiment méconnaître la galaxie et surtout l'Histoire des droites françaises, disons depuis la Révolution, pour s'étonner du choix de l'ancien président.

 

Oh, Jacques Chirac est tout sauf un saint, qualité n'ayant d'ailleurs nulle pertinence dans l'ordre du temporel. Qu'il ait magouillé, maquignonné, soit. Qu'il ait beaucoup changé d'avis, aussi, et ne remontons pas à cette année 1950 où, à 18 ans, il vendait l'Humanité à la criée. C'est vrai qu'il fut tout à tour, et au gré des circonstances, jacobin et girondin, parfois limite Montagnard, ce qui ne signifie pas qu'il ait gravi le Cervin. Etatiste et libéral, aussi. A la vérité, un pragmatique, un radical.

 

Radical, dans le sens français. Celui d'Henri Queuille (1884 -1970), cet inoxydable politicien corrézien, qui fut à la fois le mentor, en politique, de François Mitterrand (Nièvre, 1946) et de Jacques Chirac (Corrèze, 1967). Il a tout fait, Queuille, y compris trois fois président du Conseil. Sa biographie, complète et profonde, reste à établir. Cette école politique-là, qui est aussi celle d'un François Hollande, est celle du terrain, de la connaissance des gens, de millions de poignées de mains, et de la négociation. On dira qu'en politique, elle accorde davantage de place à la pratique, au frottement, à l'expérience, qu'aux grandes théories parisiennes. Elle implique aussi une méfiance, non face à l'argent, mais face à l'argent-roi, l'argent spéculé, l'argent tombé du ciel. Oui, c'est en Province, principalement, que le radical-socialisme s'est le plus épanoui. Jacques Chirac et François Hollande, par leur attitude face à l'électorat, leur instinct aussi, relèvent de cette filiation. Nicolas Sarkozy, pas du tout.

 

Connaître l'Histoire des droites en France. Au moins la distinction entre bonapartisme - celui de Chirac lorsqu'il bombe le torse - et orléanisme, la droite de l'Argent, la droite des banques, des intérêts sur le capital et surtout des intérêts spéculatifs. Droite qui rendit, reconnaissons-le tout de même, de beaux services aux pays en certains moments de son Histoire : investissements courageux (mais aussi d'autres, désastreux) sous le Second Empire, formation intellectuelle d'un Poincaré, d'un Tardieu ou même d'un Valéry Giscard d'Estaing, qui ne sont pas les pires figures de l'aventure républicaine.

 

Alors voilà, ne revenons pas sur le Fouquet's, ni sur la croisière maltaise. Mais enfin, reconnaissons que le rapport de Nicolas Sarkozy avec l'argent, sa fascination pour les riches, tout cela, comme président de la République, pose problème. Car la France n'est pas l'Angleterre. Ni les Etats-Unis. Du chef de l'Etat, elle attend, dans ce domaine-là, une retenue. Pour ma part, c'est quand j'ai commencé, au début du deuxième septennat, à le voir tomber en admiration devant un Tapie, ou un Berlusconi, que je me suis détourné de François Mitterrand.

 

Le Vieux votera-t-il Hollande ? C'est parfaitement possible. Les esprits les plus simples diront que c'est juste pour emmerder Sarkozy, admettons que ça joue un rôle. Ceux qui se sont un peu nourris d'Histoire de France, à travers Tocqueville, Michelet, Pierre Nora ou Lacouture, auront tendance à trouver cette incongruité, au fond, parfaitement normale. En politique, les lignes de faille ne sont pas toujours là où on croit.

 

Pascal Décaillet

 

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