Sur le vif - Vendredi 24.02.12 - 18.52h
Quelques siècles après d'autres, mais tout de même, la Tribune de Genève se rend compte ce matin que le Conseil d'Etat 2009-2013 est une catastrophe. Sept personnages en quête de hauteur, avions-nous titré ici, sept individus jetés là, à l'automne 2009, sans le moindre rapport entre eux, sans idéologie commune, sans programme de gouvernement, le Discours de Saint-Pierre n'étant, tous les quatre ans, que le faire-valoir de l'un parmi les sept, écharpe blanche, ombre des Macchabées, heure de gloire.
Dans ces sept, un homme de grande valeur, David Hiler. Certains plutôt bons, d'autres moins, peu importe : il n'y a pas de septuor ! Il n'y a que l'addition de sept unités. Pas de chef permanent. Pas de ligne. Pas de dynamique commune. On gère, çà et là. On additionne les décisions, protocolées, une fois par semaine, dans un document ahurissant, juste énumératif, sans vision ni hiérarchie. J'ai lu intégralement, hier matin, le rapport de gestion 2011 du Grand Conseil, bien plus intéressant, lui, que ces catalogues de vaisseaux de l'exécutif.
Tout cela, dans la campagne de 2009, nous l'avions dit. Car ce qui arrive aujourd'hui était prévisible. Erreurs de casting chez les libéraux et les socialistes : bien sûr que MM Jornot et Tornare eussent dû en être. Erreurs de découpage dans la répartition des Départements : en quoi la ministre de la Police doit-elle s'occuper d'environnement, ou celui des Affaires sociales, de l'Aéroport ? On a coupé à la hache, humilié certains, satisfait les dadas d'enfance des autres : qui d'entre nous, dans les années soixante, n'est pas allé avec son père, un dimanche après-midi, regarder s'envoler les avions, à Cointrin ?
Alors oui, le Conseil d'Etat se regarde voler. Ou planer. Ou dériver. Mais le cockpit est vide. On dira que les cieux traversés ne sont pas les plus cléments : ceux de MM Ducret, ou Grobet, ou Chavanne, l'étaient-ils vraiment davantage ? Non, le problème de ce gouvernement-là n'est ni celui d'un Réveillon, ni celui des TPG, il serait certes un peu celui d'une police sans autorité politique. Mais l'essentiel est ailleurs. Dans la structure ! On a fait alliance, en 2009, entre partis se détestant déjà, on a cru judicieux de bâtir l'équilibre des majorités sur la capillarité des Centres, ici des Verts de plus en plus arrangeants, là l'éternelle souplesse du PDC. On a ostracisé les Marges. On s'est dit qu'ainsi, on allait survivre. On se meurt.
C'est tout un système qui touche à sa fin. L'Entente est morte ce printemps. On se trompe à la dire encore vivace. Les Marges fulminent. Le PDC pactise avec l'éternité. Les Verts collaborent. Les socialistes attendent les cerises. Le PLR fait le spectacle. Ah, ça, oui. L'ancien monde, déjà, n'est plus, et on se demande combien de siècles durera la fin de législature. Le nouveau monde n'a pas encore émergé. Genève nage en eaux troubles, intermédiaires. Nous serions comme des âmes blanchâtres. Nimbées. Dans l'Entre-Deux-Mondes.
Pascal Décaillet