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Le prêt-à-s’indigner

 

Sur le vif - Dimanche 05.06.11 - 08.39h


Il y a eu le rock et le twist, les yéyés, les zazous, il y a eu Zizou et les Bigarrés, voici aujourd’hui les indignés. Le dernier truc à la mode, coco : t’as rien lu, ni Marx ni Jésus, ta tête est vide comme une pastèque, tu n’as ni mémoire ni nostalgie, tu n’as encore livré aucun combat, jamais prouvé ta solitude. Mais sur un mot, au sifflet, au cordeau, tu t’alignes : l’indignation.

 

Que Stéphane Hessel, ce grand Monsieur au grand cœur, s’indigne, avec derrière lui neuf décennies d’une vie exemplaire, rien à dire. Respect. Chez lui, le mot sonne juste, il est au diapason. Mais je ne suis pas sûr que cette admirable conscience, avec son bouquin, ait vraiment rendu service à la jeunesse. Parce qu’avec le miracle d’un titre, la puissance de cet impératif, ce qui devrait être transgression se dilue en mode : le prêt-à-s’indigner.

 

Alors, pour faire Hessel, on s’indigne. On s’indigne dans les salons. On s’indigne pour la posture. Ce qui n’a de sens que comme maturation individuelle, explosion, transgression, on le banalise en passe-partout. L’indignation devient griffe, tissu estampillé : à quand l’indignation Gautier, ou Lagerfeld ? Tu fais quoi, ce week-end, Kevin : « Ben, après les courses, entre 15 et 16h, j’irai m’indigner un moment, au centre-ville ».

 

La révolte comme posture. Copiée, collée, répétée, multipliée. Plus les âmes sont faibles, plus elles s’y prêteront. L’uniforme est si facile à porter. En attendant qu’un jour, un grand couturier milanais le sacralise. Et le jette au musée.

 

Pascal Décaillet

 

 

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