Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 25.02.11
Qui sera, dans un peu plus d’un an, le prochain président de la République française ? Nul ne peut le prédire, tant le jeu est ouvert. Question majeure : les fondamentaux qui prévalent depuis plus un demi-siècle (la Cinquième République) sont-ils encore valables, ou une transgression est-elle possible ?
Ces fondamentaux, quels sont-ils ? D’abord, que le futur président, quel que soit son bord, doit tenir fermement les rênes de sa famille politique. De Gaulle en 65, Pompidou en 69, Giscard (dans une moindre mesure, mais aidé par le ralliement de Chirac) en 74, Mitterrand en 81 et 88, Chirac en 95 et 2002. Sarkozy en 2007. Une loi infaillible, jusqu’ici, en régime bipolaire. Si cette loi demeure valable l’an prochain, elle doit exclure les éléments exogènes, style parachutage miracle du patron du FMI qui, lassé des arcanes de Washington, reviendrait prendre goût à la terre de France. De même, l’illusion Delors en 1995, l’homme dont le cruel et génial François Mitterrand avait dit : « Il veut être président, mais ne veut pas être candidat ».
Deuxième question majeure : le second tour verra-t-il, à tout prix, un affrontement entre les deux grands blocs de droite et de gauche (seules exceptions : 1969 et 2002) ? Là encore, mystère. Le chef naturel du camp de droite, le président sortant, apparaît aujourd’hui tellement affaibli, il a tellement dégradé une fonction que de Gaulle et Mitterrand avaient portée si haut, qu’un deuxième quinquennat (pour peu qu’il en ait envie lui-même) apparaît impensable. Et pourtant, pas impossible.
Et puis, c’est vrai, les Français n’aiment guère le retour des émigrés. Ni en 1814, 1815, ni le Bruxellois Delors en 1995. A ces recettes-miracles, idéalisées par une petite cléricature de la presse, ils ont régulièrement préféré les figures politiques ayant passé la législature à se battre à l’intérieur du pays. DSK fera-t-il, dans la dernière ligne droite, les frais de cette vieille loi ? Ou sera-t-il capable, par son envergure, de la transgresser, le premier obstacle étant évidemment l’investiture de son propre camp. Reste une inconnue majeure : le score de Marine Le Pen au premier tour. Sous-estimer ce dernier point, ou vouloir l’écarter d’une chiquenaude, c’est risquer certaines déconvenues cruelles, d’ici mai 2012.
Pascal Décaillet