Sur le vif - Et sabre au clair - Vendredi 17.09.10 - 14.27h
On peut discuter longtemps d’Ueli Maurer, du nombre de neurones qui l’habitent, de la trace sans doute discrète qu’il laissera dans l’Histoire suisse. Ministre de la Défense, il n’a jamais su articuler exactement ce qu’il fallait défendre, excelle dans le rôle de pleureuse, sans que personne ne sache ce qu’il pleure exactement. Oui, cet homme, en bon successeur lointain de Paul Chaudet, est un mirage. L’illusion d’une ambition. Le désir, privé de lui-même.
Engendré (par Blocher), non pas créé, néant né du néant, il est à ce titre l’homme idéal pour présider aux destinées d’une armée qui n’a plus ni sens, ni mission, où on ne tue plus que le temps, et où même les nuques raides des colonels radicaux de mon époque se sont dissoutes dans l’insignifiance de l’Histoire. Oui, douter de Maurer, on peut.
Mais il se trouve que cet homme-là est notre ministre de la Défense. Ce qui lui donne le droit, et aussi le devoir, de maintenir d’importants contacts avec les quelques pays de cette terre pour qui la chose militaire est affaire, non de passe-temps, mais de survie. Par exemple, Israël. Un voyage, du 8 au 10 octobre prochains, est prévu, qui fait partie d’une longue tradition de relations entre les deux pays.
Aller voir son homologue israélien, ça n’est pas cautionner la politique de ce pays, ses pulsions colonisatrices, son comportement avec les Palestiniens. Au reste, si le ministre suisse de la Défense n’allait rendre visite qu’à des pays gentils, comme le nôtre, où tout le monde s’emmerde à l’armée, où l’inefficacité des armes a pulvérisé la légende, autant qu’il reste paître dans sa ferme de l’arrière-pays zurichois.
Et c’est là qu’interviennent, avec la fulgurance d’une cavalerie sans chevaux, nos bons et braves pacifistes suisses. Calmes, souriants face à la mitraille, joyeusement suicidaires. Car en bêlant condamnation de cette visite en Israël, tout focalisés qu’ils sont sur la diabolisation de ce seul Etat dans l’univers habité, ces blancs moutons n’existent à nouveau que par ce qu’ils cachent. Tous les régimes qu’ils ne dénoncent jamais, tous les yeux qu’ils ont toujours fermés sur les pires dictatures, parce qu’elles sont là au nom du bien.
Alors, Messieurs les pacifistes, nous vous concédons volontiers que nous n’avons peut-être pas le plus fulgurant ministre de la Guerre depuis Louvois ou Carnot, mais de grâce, vos jérémiades sélectives et orientées, gardez-les pour l’un des seuls endroits que l’armée suisse soit encore capable de creuser avec méticulosité : les latrines.
Pascal Décaillet