Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 10.06.10
Je me suis retrouvé hier matin, sur le coup de 07.30h, face à un fou transgénique qui m’a lancé : « Je suis une maîtresse enfantine ». Je me suis d’abord dit qu’il se gaussait, me cherchait, j’ai guetté un pré où l’affaire aurait pu se régler. Je l’ai contemplé : c’était bien un homme, pourtant, nous n’étions ni chez Michou ni à Hambourg, quartier du port. J’ai pris peur.
Et l’homme a confirmé : « Je suis maîtresse enfantine ». J’ai rougi, j’ai pâli, j’ai frémi à ses yeux, genres, grammaires, kabbales se sont mélangés dans mon esprit embué, d’étranges pensées salerniennes m’ont envahi, maires, mairesses, j’ai cherché le masculin de l’amertume, j’ai pensé aux points cardinaux, aux boussoles du côté du Pôle Nord.
Il faut dire que j’avais là, face à moi, le meilleur des hommes. Il y avait, à côté de lui, toute l’animalité taurine d’Olivier Baud, comme une mise à terre, pour me rassurer. Je me suis dit que, si cet homme-là était une maîtresse, que serais-je, moi-même ? Une ombre ? Une lueur ? Une inconnue dans l’équation ? Une disparition ?
J’ai pensé aux genres et à leurs mélanges, aux confluences, aux eaux du Rhône et celles de l’Arve, aux semi-créatures de Platon, dans le Banquet. J’ai pensé, aussi, à la géométrie. La définition de la droite. Le plus court chemin d’un point vers l’autre ? Et si c’était, simplement, la course d’une âme, quelque part, vers sa sœur ?
Pascal Décaillet