Publié dans la série "Dis, Papa, c'est encore loin, le 16 septembre?"
C’était cousu de fil blanc, programmé. Il y a toujours un moment, dans une course au Conseil fédéral, où un petit malin nous sort l’argument ethnique.
Ainsi, Fulvio Pelli, candidat à ne surtout pas être candidat (jusqu’au jour où, genoux rouges sur le bouillant bitume noir, on viendra le supplier), déclare doctement que le chef du groupe PDC aux Chambres fédérales, Urs Schwaller, est inéligible, parce qu’il n’est pas romand. Pas latin. Pas assez fils de la Louve, le Singinois. Ah, l’ignoble, le Fridolin, tout juste bon pour les terres de betteraves, le houblon mousseux, le port du casque à pointe !
Bon, c’est vrai, Schwaller ne respire pas, ni dans son être ni dans son verbe, les piques et les pointes de Voltaire et de sa langue. Mais enfin, à supposer qu’il soit un bon candidat pour le Conseil fédéral, en quoi ces quelque 60% de germanitude seraient-ils un problème ?
La vraie raison, c’est que Fulvio Pelli se méfie de ce rival. En Suisse, on n’est pas élu par le peuple, mais par un collège de 246 grands électeurs. C’est lui, et lui seul, qu’il s’agit de séduire. Or, dans cette sainte fraternité-là, le prudent Fribourgeois, grand rival du radical Burkhalter dans l’art de ne jamais froisser personne, jouit d’une cote inversement proportionnelle à sa notoriété dans les grandes couches de la population. A lui, les arcanes. Au flamboyant président national de son parti, la lumière, l’ivresse des altitudes.
Donc Pelli, habile au point de reléguer le regretté Cardinal Mazarin au rang de balourd du Baloutchistan, prend soin, dans ce premier tour de la campagne, de scier d’emblée celui qui pourrait s’avérer, en septembre, un rival de premier plan. Dans cette démarche, agit-il seul ? La question est posée.
En attendant, la question ethnique est reprise, aujourd’hui, en grande pompe, par l’officialité des observateurs. Le chœur des vierges, par Pachacamac! Qui progresse, à l’unisson, vers le bûcher. Où M. Schwaller est cordialement invité à monter prendre sa place. En attendant peut-être, dans une autre vie, un pont d'or pour Hollywood.
Pascal Décaillet