Ou : le match Valais-Judas
Sur le vif, samedi 10.05.08, 14.40h
Si vous êtes trop jeune pour avoir assisté à l’exécution de Louis XVI, sur l’actuelle place de la Concorde, le 21 janvier 1793, et si par hasard vous goûtez le genre (assumons nos fantasmes, que diable !), il vous reste le loisir d’ouvrir, en page 8, le Nouvelliste de ce matin. Point n’est besoin d’être grand clerc en politique valaisanne pour découvrir, en palimpseste de chaque mot prononcé par le grand invité du jour, l’ancien conseiller aux Etats anniviard Simon Epiney, une calcination au napalm de son « cher ami » Christophe Darbellay. Dont le nom, au reste, n’est jamais prononcé. Chez ces gens-là, Monsieur, on poignarde, on retourne en jouissant sa lame dans les entrailles de l’être aimé, mais en silence.
Il y a beaucoup à dire sur cette interview, réalisée par mon excellent confrère Vincent Pellegrini : ce qu’elle dit, ce qu’elle cache, le moment où elle paraît, la haine qu’elle révèle entre deux hommes de valeur, dont chacun sait qu’ils n’ont jamais pu se supporter.
En gros le dalaï-lama de Vissoie reproche au flandrin des glaciers sa versatilité dans l’affaire du 12 décembre 2007, son alliance avec la gauche, son goût excessif pour le sens du vent au mépris des polarités magnétiques : « Le PDC, nous dit le titre de la page, doit utiliser la boussole plutôt que la girouette ». Bref, Epiney exécute. Il le fait, c’est bien sûr un hasard, à quatre jours de la décision que doivent prendre les démocrates-chrétiens du district de Martigny, entre Nicolas Voide et Christophe Darbellay, dans la course au Conseil d’Etat (mars 2009). Et à moins d’un mois du Congrès du PDC du Valais romand, le 6 juin prochain, à Châteauneuf-Conthey, où le vainqueur du match Voide-Darbellay devrait affronter un poids lourd : Maurice Tornay, d’Orsières. Accessoirement (mais c’est un hasard total) administrateur du Nouvelliste. Besoin d’une aspirine ? Vous me suivez toujours ?
Si j’étais correspondant de guerre, je résumerais le front en paraphrasant le plus grand écrivain valaisan encore vivant : je parlerais d’un match Valais-Judas. Avec un quotidien orangé qui roule, par poudres et douches interposées, pour Darbellay, le quotidien valaisan qui roule pour Tornay, le public qui commence à n’y plus rien comprendre, ce qui m’a amené, dans la douceur de ce samedi après-midi précédant Pentecôte, à prendre modestement ma plume exégétique.
Tu me diras, ami lecteur, que je ne fais que décrypter, sans donner mon commentaire. Tu as raison. Pour une fois, je m’en tiens là. Je ne dirai donc pas à Simon Epiney qu’il a raison sur le « grand parti de centre droit auquel on peut associer une partie de l’UDC ». Tellement raison qu’il me semble même l’avoir dit, exactement en ces termes, dimanche soir à Infrarouge. Je ne lui dirai pas, non plus, que tout cela, tout ce qu’il sort aujourd’hui, il aurait eu des années pour le faire, plutôt que quatre jours avant une échéance capitale pour son vieil ennemi. Mais enfin, nul, même sur les bords de la Navisence, n’est à l’abri d’une petite faiblesse, non ?
Ficelles, trocs et combines, câbles de téléphérique, hommes de paille et hommes de main, la politique valaisanne, décidément, n’a pas fini de nous passionner. Parfum de trahison, tentative de rédemption, promesses de postes, il y aurait là tous les ingrédients d’un roman. Le prochain de Monsieur Janus, peut-être ?
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