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  • Le péché originel de la Réunification

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.04.25

     

    Journaliste depuis quarante ans, j’étais déjà à la RSR lorsque le Mur de Berlin est tombé, le 9 novembre 1989. Je me souviens, ce jour-là, d’avoir traduit, jusque tard dans la nuit, pour les Matinales du lendemain, les discours de Willy Brandt, Helmut Kohl et Hans-Dietrich Genscher. J’avais un casque sur les oreilles, et une machine à pédales qui me permettait, avec le pied gauche, de faire reculer le magnéto, et avec le droit, de l’avancer, tout en surimprimant ma voix, en français, à la version originale allemande. C’étaient encore les bandes magnétiques, sur lesquelles j’ai travaillé les dix premières années de mon parcours à la radio. Ca, c’est pour l’anecdote.

     

    J’en viens au fond. Bien qu’immensément germanophile (je l’ai été toute ma vie), je me suis tout de suite méfié de la chute du Mur. Oh, pour le peuple allemand, je m’en suis évidemment réjoui : il retrouvait une grande patrie unique, après plus de quarante ans de division. D’une phrase, saisissante comme jamais, le grand Willy Brandt, au soir de sa vie en ce 9 novembre 1989, avait tout résumé en quelques mots : « Jetzt kann zusammenwachsen, was zusammengehört ». « Maintenant, ce qui est du même terreau va pouvoir grandir ensemble ». Mais pour le reste, oui, je me suis immédiatement méfié : j’ai très vite perçu que, sous le mot magnifique de « Réunification », le glouton Helmut Kohl, chancelier atlantiste à l’Ouest, aux ordres du capitalisme, allait purement et simplement phagocyter la DDR. L’avaler toute crue !

     

    L’ogre rhénan est allé au-delà de toutes mes craintes. L’Allemagne de l’Est, entendez les trois nations historiques que sont la Prusse, la Saxe et la Thuringe, berceaux de ce que la civilisation allemande a produit de plus grand, Luther et Bach par exemple, mais aussi Kant, a été purement et simplement annexée, comme un pays conquis, par l’Ouest. Son économie a été foutue par terre, on a mandaté une fiduciaire ultra-libérale pour transformer la DDR en régime capitaliste. Les verrous de protection sociale, dont certains excellents, ont sauté. On a instillé dans ce pays, où le sens du collectif était particulièrement poussé, un venin d’individualisme atlantiste, d’inspiration reaganienne et thatchérienne, qui n’a strictement rien à voir avec la grande tradition de la pensée prussienne, encore moins avec la conception luthérienne de la société. On a dénaturé la DDR. On l’a saccagée, On en a fait un satellite, vassal de l’idéologie capitaliste de l’Ouest. On a déboulonné Marx pour le dollar. Cette Allemagne-là, quoi qu’on pût penser de son régime politique, valait tellement mieux.

     

    Ce qui arrive aujourd’hui, dans les Länder de l’ex-DDR (Thüringen, Sachsen, Sachsen-Anhalt, Brandenburg, Mecklenburg-Vorpommern), va puiser ses racines dans la brutalité de l’annexion par l’Ouest, dans les années qui ont suivi 1989. Le corps social de l’ex-DDR a été lacéré, déchiqueté. On a voulu lui greffer un modèle libéral, et même ultra, qui n’avait rien à voir avec sa tradition. L’Allemagne d’aujourd’hui en paye le prix. Il fallait, une bonne fois, que ces choses-là fussent dites.

     

    Pascal Décaillet

  • Quand la justice crée l'injustice

     
     
    Sur le vif - Lundi 31.03.25 - 14.25h
     
     
     
    Les juges en sont-ils conscients ? En frappant Marine Le Pen d'inéligibilité, ils prennent une décision dont les conséquences politiques sont dévastatrices. Juridiquement, ils sont dans leur droit, mais nécessairement, leur verdict va métamorphoser le paysage politique français.
     
    Ont-ils seulement envisagé cette hypothèse ? L'ont-ils pondérée dans leur appréciation ? Sont-ils conscients que de facto, et quoi qu'ils puissent s'en défendre, ils s'immiscent comme jamais dans le champ politique ? La justice qu'ils disent, au nom du peuple français, ne voient-ils pas l'injustice flagrante qu'elle vient projeter dans des équilibres voulus par le peuple ? La séparation des pouvoirs doit aussi s'exercer dans ce sens-là.
     
    Que Marine Le Pen doive être sanctionnée pour avoir enfreint la loi, est une chose. Qu'elle soit jetée hors d'un jeu politique où elle tient un premier rôle dûment conquis et mérité ces quinze dernières années, il y a là quelque chose de révoltant, et même franchement dégueulasse, qui sera perçu comme tel par les millions d'électeurs du RN.
     
    Marine Le Pen est en tête des intentions de vote pour la présidentielle de 2027. La percée extraordinaire de son parti, c'est à elle, à son travail politique d'implantation, de présence dans le terrain, que le RN la doit. A elle, et pas à Bardella ! Le jeune et brillant impétrant, toujours tiré à quatre épingles, ami des libéraux, glacial raisonneur, infiniment moins enraciné dans le peuple, c'est à Marine qu'il doit son existence politique. C'est elle, et non lui, que des masses profondes du peuple français attendent pour 2027. Elle, avec son patriotisme social, ancré dans les classes les plus laborieuses, populaire comme jamais.
     
    Vous me direz que les juges disent le droit, et n'ont pas à tenir compte du contexte politique. C'est bien joli, comme raisonnement, mais c'est de l'abstraction cartésienne typiquement française, coupée du terroir, des réalités. Dans le cas présent, les conséquences de la décision judiciaire sont de nature à jeter dans la rue des millions de personnes en colère, que justement Marine Le Pen, par un travail acharné depuis quinze ans, avait intégrées dans le jeu démocratique.
     
    Les juges disent le droit, c'est leur rôle. Et puis, quoi ? Le verdict rendu, ils vont se laver les mains, comme Pilate, et rentrent chez eux le soir, vérifier si leurs enfants ont bien fait leurs devoirs ?
     
    Et eux, les juges ? Ont-ils fait le leur ? Avec une pensée contextuelle incluant les conséquences de leur jugement ? Dans le cas présent, elles sont inimaginables. Ils en portent la responsabilité.
     
     
    Pascal Décaillet