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  • Série Allemagne - No 7 - Weimar, 1850 : la Première de Lohengrin

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    L'Histoire allemande en 144 tableaux - Série - No 7 – Weimar, 28 août 1850 : la Première de Lohengrin, de Richard Wagner. Sous la direction d’un certain… Franz Liszt.

     

     

    La vie de Richard Wagner est, en elle seule, un prodigieux roman. Au centre de tout, il y a la musique. La voix humaine. Les instruments. Et puis, de lui aussi, parce qu’il est un artiste total, il y a les paroles. Sans compter la scénographie, le visuel, la (perpétuelle !) recherche de fonds. Dans la vie de Wagner, il y a des femmes. Des histoires d’amour. Le feu de la passion. Il y a de puissantes amitiés et de terribles brouilles. Des réconciliations. Il y a l’Histoire allemande, qu’il rencontre sur les barricades de Dresde en 1849. Il y a un roi, de folie et de légende : Louis II de Bavière. Il y a l’une des entreprises les plus géniales de résurrection du Moyen-Âge germanique. Il y a un lieu, venu tardivement dans sa vie, dans les dernières années d’une existence incroyablement tumultueuse : Bayreuth. Il y a une ville de naissance, Leipzig (1813, cinq mois avant la bataille) et une ville de mort, mythique : Venise (1883). Au milieu du roman de cette vie, entre les lignes, dans les marges, sous le texte et dans le texte, l’une des œuvres majeures de l’Histoire de la Musique. Ma première rencontre avec Wagner date de la fin de l’enfance. C’était le Vaisseau fantôme. Je ne crois pas m’en être remis.

     

     

    J’a choisi de partir de la Première de Lohengrin, à Weimar, le 28 août 1850 (101ème anniversaire de la naissance de Goethe, soit dit en passant). Cet événement majeur se joue… sans Wagner ! Le compositeur de cet incroyable chef d’œuvre, l’histoire du Chevalier au cygne, directement tiré du Parzival de Wolfram von Eschenbach (1170-1220), le grand auteur médiéval que tout germaniste fréquente assez tôt dans ses études, est absent ! Et pour cause : suite à un mandat d’arrêt, lancé le 16 août 1849 par la police de Dresde, il est activement recherché dans les Allemagnes. Dans la perle de la Saxe, où il résidait, il avait activement participé aux activités révolutionnaires, dans l’immédiate foulée du printemps des peuples de 1848. Traqué par les polices, il entame de longues années d’exil, d’abord à Zurich, puis à Paris. Il ne retrouvera l’Allemagne, au début des années 1860, que pour les années de gloire, devenu le favori du roi Louis II de Bavière.

     

     

    Mais voyez-vous, l’homme qui dirige la Première de Lohengrin, ce 28 août 1850, au Grossherzogliches Hof-Theater de Weimar, n’est pas exactement un inconnu : il s’appelle Franz Liszt. Fantastique histoire, romantique en soi, que celle de la relation entre Liszt et Wagner, le second ne cessant de solliciter le soutien et l’appui financier du premier, lui pompant beaucoup de ses thèmes musicaux, et finalement, épousant sa fille Cosima ! Entre ces deux puissants génies, il y eut tout : une profonde amitié, de l’influence artistique, de la jalousie, de l’orgueil, des brouilles, des réconciliations. Finalement, à l’inauguration du Festspielhaus de Bayreuth, le 13 août 1876, le vieil ami, beau-père contre son gré, rival devant l’Eternel, sera là. En belle compagnie : l’Empereur d’Allemagne, le roi Louis II, Bruckner, Grieg, Saint-Saëns et Tchaïkovski. Tout ce beau monde, pour découvrir un opéra : L’Or du Rhin.

     

     

    Oui, j’ai choisi la Première de Lohengrin, mais j’aurais pu prendre n’importe quelle autre, parmi les dix opéras principaux de Wagner. C’est là, à Weimar, sous la baguette de Liszt, l’auteur étant en fuite, que fut chanté, pour la première fois en public, « In fernem Land », l’air de Lohengrin. Ou encore, la Marche nuptiale, qui rivalise dans l’Histoire de la musique avec celle de Mendelssohn. C’est là, dans la scène d’ouverture, que d’aucuns purent lire une invitation à l’unité allemande. Cette Première, à Weimar, d’un auteur de 37 ans qui avance, avec un génie grandissant, vers les années de maturité, celles du Ring, un auteur absent, fuyard, à l’existence désordonnée et tumultueuse, constitue peut-être, par son importance à la fois symbolique, artistique et nationale, un moment de la prodigieuse Histoire des Allemands et des Allemagnes.

     

     

    Racontant cela, je n’ai rien raconté. A la fin de mon enfance, j’ai vu le Vaisseau fantôme (je jouais de chance, c’est un opéra accessible pour ce jeune âge ; aujourd’hui, c’est bien ailleurs dans l’œuvre que je pars puiser, dans les solos vocaux, ou les duos), mais enfin oui, j’ai vu « Der fliegende Holländer », et quelque chose en moi, pour toujours, fut changé. D’inconscientes décisions, je crois, furent prises. Vous multipliez mon cas par des dizaines de millions d’admirateurs (peut-être toi, ami lecteur), chacun préférant ceci ou cela, peu importe. Oui, vous opérez cette multiplication, et vous commencez à saisir le potentiel d’influence musicale et artistique que cet homme étrange, incomparable, Richard Wagner, peut avoir sur d’innombrables autres humains, sur la planète.

     

     

    Je ne vous ai rien raconté, il faudrait dix mille pages. J’ai juste voulu partir de ce jour du 28 août 1850, à Weimar. En ce jour, en ce lieu, sous la baguette de Liszt, quelque chose de puissant, dans l’Histoire allemande, s’est produit.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

    *** L'Histoire allemande en 144 tableaux, c'est une Série non chronologique, revenant sur 144 moments forts entre la traduction de la Bible par Luther (1522-1534) et aujourd'hui.

     

     

    *** Prochain épisode (no 8) – 1688-1689 : le sac du Palatinat par les troupes de Louis XIV ; l’une des pages les plus noires de l’Histoire allemande.

     

  • Série Allemagne - No 6 - Allemagne, année zéro

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    L'Histoire allemande en 144 tableaux - Série  - No 6 – 1945  : lorsque l’Allemagne capitule, le 8 mai, les villes du pays sont en cendres. Comme la Grèce, tant idéalisée par les peintres, la ville allemande de 1945 n'est plus qu'une immense ruine, dressée vers le ciel.

     

     

    La grande, la majestueuse ruine allemande de 1945, je ne l’ai évidemment pas connue, étant né treize ans plus tard. Je me souviens, enfant, d’avoir visité toutes les églises luthériennes de la région de Lübeck, et le guide, un vieux Monsieur très gentil, nous montrait des éclats d’obus sur une façade de briques rouges, je lui demandais si c’était la Seconde Guerre mondiale, il me disait : « Oui, je crois. A moins que ce soient les Suédois, pendant la Guerre de Trente Ans » ! Une marge d’erreur de trois siècles !

     

    Le brave homme, qui devait en avoir vécu, laissait doucement se fondre dans sa mémoire les deux plus grandes destructions de l’Histoire allemande, celle de 1648, celle de 1945. A cet égard, sa prétendue approximation n’était peut-être rien d’autre qu’une vision géniale, celle de la grande, de l’éternelle destruction allemande, dont parle, mieux que tout autre, Günter Grass. Le grand modèle baroque de Grass, Grimmelshausen, nous décrit justement, dans « Simplicius Simplicissimus », la Guerre de Trente Ans (1618-1648), l’immense tragédie allemande, la préfiguration de 1945.

     

    Quand on lit l’œuvre de Grass, avec ses millions de réfugiés allemands qui fuient l’Avalanche Rouge à l’Est, avec sa description de l’Allemagne en ruines en 1945, il faut toujours avoir, quelque part dans sa tête, la Guerre de Trente Ans. 1945 n’est rien à côté de la Guerre de Trente Ans. Parce que les Allemands de 1648 n’ont pas eu de Plan Marshall pour les aider à se relever. L’Allemagne de la seconde moitié du dix-septième siècle n’est plus que cendres et ruines. Il faudra attendre le dix-huitième, avec notamment l’avènement de la Prusse et de Frédéric II, pour se relever.

     

    La première chose qui m’a frappé, dans mon enfance et mon adolescence : j’interrogeais les gens sur la destruction totale de certaines villes (Dresde, Nuremberg) en 1945, ils confirmaient pour avoir vu et vécu tout cela, mai nul d’entre eux, jamais, ne se plaignait des Anglais ni des Américains. Je trouvais cela étrange. Et de toute manière, ils n’aimaient pas en parler. J’aurais tant à écrire sur Dresde, nuit du 13 au 14 février 1945, ville rasée par une Royal Air Force qui, sur ordre de Churchill, visait clairement à venger les morts de Coventry en 1940. Destruction systématique, froidement programmée, de la perle de la Saxe.

     

    Il y avait certes, à Dresde, des usines, des nœuds routiers et ferroviaires constituant des objectifs stratégiques, mais il y avait avant tout des dizaines de milliers de civils, réduits en poudre en quelques heures. Oui, on commence à dire aujourd’hui que les Alliés anglo-américains, avec leurs bombardiers, ont eu la main très lourde. Avez-vous entendu parler du général Arthur Harris, le chef du Bomber Command, ayant obtenu feu vert de Churchill, le 14 février 1942, pour tapisser de bombes les zones résidentielles en milieu urbain ? Cette Histoire-là reste à écrire. Il est temps de lire l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, autrement que dans la seule version des vainqueurs.

     

     

    Dresde, totalement détruite, fut la ville la plus touchée. Mais n’oublions pas Berlin, Hambourg, Cologne, Munich, Stuttgart, Bochum, Nuremberg, Chemnitz, Brême, Francfort, Hannover, Kassel. 160 villes quasiment pulvérisées, 600'000 victimes civiles sous les bombes, dont 75'000 enfants de moins de quatorze ans. La Seconde Guerre mondiale, en Allemagne, c’est aussi cela. En plus de leurs sept millions de morts sur les champs de batailles, les Allemands ont payé la guerre au prix fort, chez les civils.

     

     

    Oui, je dis que la ruine allemande de 1945 est majestueuse. Silencieuse. Elle est comme un décor de théâtre, l’accomplissement du malheur annoncé par Brecht dans son incomparable poème « Deutschland, bleiche Mutter », Allemagne mère blafarde, composé en 1933, à l’avènement du régime. La ruine allemande de 1945 demeure, épurée, dans sa fierté verticale, avec ces pans de murs dressés vers le ciel. Il a fallu, par endroits, plusieurs années pour déblayer, avant même de pouvoir reconstruire. Pendant ce temps, où logeaient les gens ?

     

     

    Les Alliés anglo-américains de 1945 n’ont pas détruit l’Allemagne, ils ont détruit la ville allemande. A la campagne, d’innombrables villages sont sortis totalement indemnes de la guerre. Certaines autoroutes, construites par Hitler, certes éventrées par endroits, ont pu vite se remettre à fonctionner. De nombreuses voies ferrées, aussi. Mais les villes, il fallait les détruire. Même celles dénuées d’importance stratégique. Soyons clairs : les morts civils des villes allemandes ne sont pas dus à des dégâts collatéraux, mais à une volonté de destruction du tissu urbain du pays.

     

     

    Dès lors, il faut s’interroger sur ce qu’a pu représenter, dès le Moyen-Âge la notion de « ville » dans l’Histoire allemande. C’est dans les villes qu’Hitler faisait ses meetings, il allait voir la masse là où elle se trouvait. C’est autour des villes, dès la Révolution industrielle, puis sous Bismarck et Guillaume II, que se met en place la colossale puissance mécanique de l’Allemagne. Celle qui, entre autres, permettra de construire des armes. C’est dans les villes que s’était déroulée la Révolution de novembre 1918, si bien décrite par Döblin. Les centres historiques, médiévaux, des villes allemandes, sont encore parfaitement conservés en 1939, 1940, 1941. Le 8 mai 1945, à part quelques miraculeuses échappées (comme Würzburg, où a vécu ma mère), il n’en reste rien. Détruire la ville, c’est détruire la mémoire allemande. Eradiquer le passé médiéval, c’est attaquer le cœur d’idéalisation du Sturm und Drang, du romantisme, de Wagner, et aussi, à bien des égards, du nazisme.

     

     

    Je dis que la ruine allemande de 1945 fut majestueuse. Par son épuration, sa verticalité demeurée, elle rappelle l’idéalisation picturale de la ruine grecque par les Allemands, à l’époque de Hölderlin, à la fin du dix-huitième siècle. Car enfin, deux contrées, en Europe, nous ont proposé des modèles de ruines : la Grèce antique revisitée il y a deux ou trois siècles ; et puis… l’Allemagne ! Etrange, tout de même, non ? Étonnant, que le pays qui, pendant tout le dix-neuvième siècle, et la première partie du vingtième, nous donne les meilleurs spécialistes de la Grèce antique, les meilleurs éditeurs de textes, les meilleurs archéologues, des poètes de génie pour traduire la langue grecque, oui ce pays, l’Allemagne, conduit lui-même son destin, de 1933 à 1945, à se transformer en une immense ruine.

     

     

    La ruine des villes. La ruine de la ville allemande. L’éradication du passé allemand. Cela, les bombardiers l’ont obtenu militairement, en 1945. Pour une, deux, trois générations, ils ont gagné. Mais l’Allemagne, comme toujours, s’est relevée. Matériellement, très vite (en 1960, le pays est reconstruit). Culturellement, elle a donné, dès 1945, à l’Est comme à l’Ouest, les réponses qu’il fallait à cette tentative d’annihilation culturelle. Ces réponses s’appellent Brecht, Heiner Müller, Christa Wolf, Heinrich Böll, Rainer Werner Fassbinder. Ou tout récemment, Thomas Ostermeier, en Avignon. Et tous les autres. Le génie allemand est en marche. Il n’a pas fini de nous époustoufler.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

    *** L'Histoire allemande en 144 tableaux, c'est une série non chronologique, revenant sur douze moments forts entre la traduction de la Bible par Luther (1522-1534) et aujourd'hui.

     

    *** Prochain épisode (no 7) - Weimar, 28 août 1850 : la Première de Lohengrin.

     

     

     

     

     

     

  • Série Allemagne - No 5 - Le Clavier bien tempéré (1722)

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    L'Histoire allemande en douze tableaux - Série d'été - No 5 – 1722 : « Clavier bien tempéré, ou préludes et fugues dans tous les tons et demi-tons ». Une œuvre. Une méthode. Une rénovation de l’écriture musicale. Derrière tout cela, l’ombre immense d’un génie : Jean-Sébastien Bach.

     

    Je n’entreprendrai pas ici de vous raconter la vie et l’œuvre de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), l’éternité même n’y suffirait pas. Je dirai simplement qu’il est le début et l’aboutissement de toute chose, un univers en soi. J’ai choisi de partir de cette date, 1722, où l’homme, 37 ans, au sommet de son art, entre ses années de Weimar et celles de Leipzig (dont il sera, jusqu’à la fin de sa vie, l’illustre Cantor), nous livre deux cycles de préludes et fugues, dont il nous précise (dans le premier) qu’ils sont « pour la pratique et le profit des jeunes musiciens désireux de s’instruire, et pour la jouissance de ceux qui sont déjà rompus à cet art ».

     

    Sans entrer dans les détails musicologiques (tempérament égal contre tempérament inégal, usage des 24 modes majeurs et mineurs de la gamme chromatique), nous devons rappeler ici à quel point, en ce début du dix-huitième, le travail de simplification du langage musical, et même des systèmes de notations, s’impose en Europe. Autre élément, capital : le titre de l’œuvre, BWV 846-893, porte le nom générique qui traversera les siècles, « Das Wohltemperierte Klavier ». Aujourd’hui, le mot Klavier signifie piano. Il ne faut évidemment pas l’entendre ainsi en 1722, mais bien au sens de « clavier », en l’occurrence plutôt clavecin ou clavicorde. La génération de Bach n’est pas encore celle du piano. Et le clavecin, comme on sait, n’en est pas l’ancêtre.

     

    J’ai choisi cet exemple pour montrer que Bach, en plus d’être l’un des trois ou quatre génies de l’Histoire de la musique, est aussi un érudit, un musicologue, un théoricien, un inventeur, un ouvreur de chemins, en un mot, pour son temps, un révolutionnaire. C’est important de le préciser, parce qu’aujourd’hui, en écoutant cette musique si parfaite, on a souvent l’impression d’un ordre ancien, classique, un Âge d’Or. Alors que la réalité de la vie de Bach est infiniment tumultueuse : il travaille pour des princes, ou des comités de paroisses, avec lesquels les rapports sont souvent difficiles, il quitte un protecteur pour un autre, bouge beaucoup avant de se fixer à Leipzig, doit constamment faire ses preuves. Bach, aujourd’hui considéré comme un monument, n’est absolument pas reconnu, de son vivant (contrairement à Haendel) comme il aurait dû l’être. Et, sitôt après sa mort, ses œuvres n’étant que très partiellement publiées, ou s’empresse de l’oublier.

     

    Savez-vous qui sera le premier à reconnaître Bach, le sortir de l’oubli ? C’est le jeune et génial Félix Mendelssohn ! A l’âge de 20 ans (1829), huit décennies après la mort du Cantor, successeur de Bach à Saint Thomas de Lepizig, il fait rejouer la Passion selon Saint Matthieu. Entre-temps, il y avait eu Mozart et Beethoven, et même Schubert, décédé un an plus tôt. La musique baroque était enterrée depuis longtemps, d’autres voies de lumière avaient été ouvertes, l’Ancien Régime était tombé, les Allemands avaient pris congé de l’Aufklärung, traversé le Sturm und Drang, pleuré par milliers pour le destin du jeune Werther, applaudi au premier Faust de Goethe. Et poutant, rien n’y fit : Bach ressuscita, pour toujours.

     

    Je terminerai par une anecdote personnelle. Lorsque j’étais, en juillet 1999, en reportage à Weimar, avec mon confrère Pierre-Alexandre Joye, nous venions de passer plusieurs heures à visiter – sans échanger un seul mot – le camp de Buchenwald. De retour à Weimar, avant d’assister à un concert, tout étouffés encore de ce que nous venions de traverser, nous tombons sur un musicien de rue. Un Juif orthodoxe, vêtu selon la tradition hassidim. Un New-Yorkais, joyeux, plein d’humour, dont la famille avait été péri dans le camp, tout proche. Il nous a dit : « Mesdames et Messieurs, je vais vous interpréter un morceau de mon musicien préféré, un Allemand qui a vécu et travaillé ici ». Et aussitôt, il a entamé un prélude de Bach. Ce fut l’un des moments les plus forts de ma vie.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

    *** L'Histoire allemande en douze tableaux, c'est une série d'été non chronologique, revenant sur douze moments forts entre la traduction de la Bible par Luther (1522-1534) et aujourd'hui.

     

    *** Prochain épisode (no 6) - 1945 : Allemagne, année zéro.