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Que la lucidité soit immédiate, contemporaine !

 

Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.09.24

 

J’ai dit un mot, la semaine dernière, des retardataires. Tous ces beaux esprits, dans le monde éditorial romand, qui, sur le moment, sont aveugles aux enjeux, mais quelques années plus tard, deviennent des translucides de la vingt-cinquième heure. Dit comme ça, je sais, ça peut paraître un peu abstrait, alors je vais illustrer mon propos.

 

Il me faut donc parler de l’immigration. Le dimanche 9 février 2014, j’ai voté oui à l’initiative contre l’immigration de masse. Dans mes chroniques et éditos, y compris ici, je l’avais dit. Face à la quasi-totalité de la presse romande, je passais pour un zombie, un partisan du repli, un apôtre de la Suisse frileuse. Le plus fou, c’est que le peuple et les cantons avaient accepté l’initiative, j’étais donc majoritaire dans le peuple de mon pays, donc un bonhomme assez banal au fond. Mais minoritaire dans le seul petit cénacle de ma profession. C’est pourtant cette cléricature qui, par pure idéologie, n’avait pas saisi les enjeux.

 

Dix ans plus tard, partout en Europe, le vent a tourné : en Suisse, les partis de droite rejoignent l’UDC sur la nécessité de réguler les flux migratoires. En France, l’opinion publique veut la même chose. Et ne parlons pas de l’Allemagne : neuf ans après le catastrophique « Wir schaffen das ! » de Mme Merkel, applaudi sur le moment par la quasi-totalité des éditorialistes suisses, voilà qu’un Chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, rétablit les contrôles aux frontières. Oui, le vent tourne, et voilà que la cohorte des retardataires, opportuniste comme jamais, commence à trouver des vertus à la régulation. Je n’aime pas cela. Je préfère mille fois le courage des pro-migrations, qui demeurent sur leurs positions.

 

Je pourrais me dire : « Tant mieux, au fond. Réjouis-toi qu’on embrasse enfin ta cause ». Oui, certes, mais je ne suis pas un homme sage, ni pondéré, ni gentil. Je suis un homme en colère. Je m’exaspère des cécités dictées par la mode, la convenance, la peur de déplaire au microcosme des pairs, en un mot cette absence de courage, cette inaptitude au combat solitaire. Alors oui, je dénonce les retardataires. Je dis simplement que la lucidité doit être contemporaine. C’est sur le moment, et non dix ans après, qu’il faut saisir les enjeux. Dire les choses. Dénoncer les erreurs. Sur le moment, et pas lorsque le vent tourne. Seulement, pour cela, il faut accepter le principe de solitude. Ne rien attendre des barons de la petite coterie professionnelle. N’aller chercher ni onction, ni bénédiction de ses semblables. Refuser la meute.

 

J’ai parlé de l’immigration. J’aurais tant à dire sur la mode libérale née de la chute du Mur de Berlin, ce prétendu triomphe définitif du capitalisme. Cette volonté de détruire les Etats, les frontières. Là aussi, on en revient. Et nos chers retardataires, ils font quoi ? Ils commencent à trouver des vertus à ce même Etat qu’ils passaient leur temps à dégommer. Que la lucidité soit immédiate, fulgurante, contemporaine. Qu’elle emporte les suiveurs. Que mes colères, un jour, s’apaisent. Hélas, on en est loin.

 

Pascal Décaillet

 

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