Sur le vif - Samedi 06.01.24 - 09.05h
Je réfléchis depuis un demi-siècle à ce Freischütz, qui passait cette nuit sur Stringray Classica, et dont le triomphe à Berlin, le 18 juin 1821 (8 ans après la libération de la Prusse, et six semaines après la mort de Napoléon), semble sonner l’ouverture du Romantisme allemand.
Un opéra ? Plutôt un Singspiel. Une œuvre à écouter, plutôt qu’à « représenter » à tout prix. Comme tel « poème symphonique » de Berlioz.
Alors, écoutons le Freischütz. Ou regardons l’orchestre. Le rôle des cors. Les cordes. La richesse d’invention et de récurrence des thèmes. La première fois que j’ai entendu cette œuvre, adolescent, je connaissais déjà la musique de Richard Wagner, je me suis dit : « Mais, c’est son grand frère que j’entends là ! ».
Né en 1786, l’année de la mort de Frédéric II de Prusse, et mort à 40 ans en 1826, un an avant Beethoven, Carl Maria von Weber constitue un cas à part dans l’Histoire musicale allemande. Il passe sa vie à annoncer : il annonce un style, il annonce le Romantisme, il annonce Wagner, il annonce le grand opéra allemand, celui de Wagner puis de Richard Strauss. Comme si son oeuvre avait vocation de Printemps permanent de la conscience allemande. L'éternel éveil au monde sensible : thème romantique, par excellence !
Alors oui, ce génial messager occupe une place dans l’Histoire allemande, tout court, comme beaucoup de ses contemporains aux existences trop brèves : Kleist et Büchner, par exemple. Sa musique, par la gravité des vents et des cuivres, est profondément allemande. Elle préfigure. Elle prend date. Elle annonce une suite. Et si Weber, c’était la grande Ouverture de la modernité allemande ?
Pascal Décaillet