Sur le vif - Mardi 24.01.23 - 16.17h
Mon premier contact avec la musique de Richard Wagner, à l'âge de treize ans (je venais de finir ma deuxième année secondaire, été 1971), a été pour moi un choc électrique. La foudre. Pas celle qui vous anéantit : non, celle qui vous éveille à la vie. Elle vous traverse, elle vous tétanise, elle vous illumine, elle vous fait poindre la possibilité d'une aventure, dans votre existence.
Je connaissais déjà très bien l'Allemagne, la musique de Beethoven, mais pas celle de Wagner. A peine en avais-je entendu parler. Le choc de la première écoute fut invité par moi, pendant toute l'adolescence, à se reproduire, sur le même morceau exactement, dix-mille, quinze-mille fois, que sais-je, jusqu'à l'extinction du microsillon, sur mon 33 tours. Il fallait, tout en m'évertuant à découvrir les autres oeuvres du compositeur, que je revive l'expérience première, comme au premier jour, sans rien changer.
J'étais tombé amoureux, non seulement d'une musique incomparable, mais du moment même de l'écoute première, celui de l'initiation. J'ai passionnément, dans ma vie, aimé quantité d'autres musiques, d'autres compositeurs, et aujourd'hui plus que jamais. Mais ce morceau-là, de Richard Wagner, c'est une partie de moi-même, à la fois laissée (comme l'enfance, qui s'en allait ?), et néanmoins surgie à la vie.
Quelle vie ? La seule qui vaille : celle du monde sensible.
Pascal Décaillet