Sur le vif - Mercredi 24.02.21 - 15.01h
La très grande classe de la Présidente du Conseil d'Etat : venir enfoncer Pierre Maudet, au lendemain du verdict ! Une prise de position totalement intempestive, parue hier dans la Tribune de Genève, et dont il faudra bien que la magistrate rende compte.
D'abord, cette phrase, hallucinante : "La confiance a été brisée. A deux reprises, Pierre Maudet s'est notamment opposé publiquement à nos projets de budget".
On croit rêver ! Depuis quand une rupture de collégialité est-elle de nature à "briser la confiance" ? Les élus exécutifs socialistes, partout en Suisse, à tous les niveaux, en sont les plus coutumiers, et justement sur les questions budgétaires et financières ! Et voilà une magistrate socialiste qui ose venir faire la leçon à l'un de ses collègues !
Ce dernier exprimait, sur le budget, une discordance politique, il en avait parfaitement le droit. Il avait d'ailleurs justifié cette prise de distance par des arguments politiques, au nom de ce qu'il considérait - à tort ou à raison - comme l'intérêt supérieur du Canton. Cela se fait à longueur d'année en Suisse, le plus souvent par des magistrats de gauche.
Cela se fait. Et cela n'empêche pas les collègues concernés de continuer à travailler ensemble. Que vient faire donc cette histoire de collégialité, pour justifier ce que Mme Emery-Torracinta appelle une "confiance brisée ?". Comment ose-t-elle introduire dans le débat un épisode qui relève de banales et fréquentes discordances, au sein des gouvernements, dans notre vie politique suisse ? Cela s'appelle un amalgame, pur et simple. Et cela n'est pas acceptable.
Et puis surtout, il y a le deuxième élément. L'opportunité, pour la Présidente du Conseil d'Etat, d'émettre la moindre prise de parole sur Pierre Maudet, au lendemain du verdict le concernant ! Là, c'est encore plus grave. Parce que nous sommes en plein processus électoral, consistant à renouveler le septième du gouvernement dont Mme Emery-Torracinta assume la présidence. Il faut le dire clairement : cette élection ne la regarde pas ! Pas plus qu'elle ne regarde les cinq autres membres. Cette élection est l'affaire du peuple genevois, le collège électoral des citoyennes et citoyens qui élisent le Conseil d'Etat.
Les actuels membres du collège n'ont strictement rien à dire sur ce renouvellement. Il est notre affaire, à nous citoyens ! L'actuel Conseil d'Etat - ou ce qu'il en subsiste, en termes de reliquats - n'est pas le parrain de nos consciences. Il n'a pas à intervenir, même malignement, indirectement, dans un processus qui relève du débat populaire.
A cet égard, les questions dites de "collégialité" n'ont, pour le grand public, aucune espèce d'intérêt. On se doute bien que Pierre Maudet ne s'entend pas avec ses actuels collègues ! Mais enfin, soit il n'est pas réélu, et la question sera réglée. Soit il l'est, et là, il faudra bien que les six autres prennent acte du verdict du peuple. A moins qu'ils ne souhaitent démissionner en bloc, hypothèse qui ne manquerait pas, en cette période de réchauffement des âmes, d'ajouter quelque rafraîchissante péripétie aux ardeurs du printemps.
Pascal Décaillet