Sur le vif - Dimanche 06.09.20 - 10.01h
Où est-elle, la mémoire ? Où est-elle, la culture ? Où s'est-il envolé, le sens de l'Histoire, vers quels rivages ?
Prenez le PDC. Laissons l'affaire du nom, c'est leur problème : un parti a tous les droits, y compris celui d'organiser son suicide, plus ou moins assisté. Il a le droit de se fonder, celui d'exister, celui de disparaître. Nul n'est d'ailleurs éternel : que reste-t-il, aujourd'hui en France, du parti radical, fierté de la Troisième République, celle des hussards noirs, des Loges, des Équilibres ?
Le PDC a tous les droits. Naître, mourir, changer de nom. La vie interne des partis ne devrait que distraitement nous intéresser : je plaide, vous le savez, pour une démocratie suisse totale, surgie du peuple, avec une démocratie directe renforcée, des comités ciblés d'initiatives, musclés, bosseurs, motivés, des unités mobiles avec objectifs précis, ce qui nous change sacrément de la machine à comités, assemblées, placement de petits copains, cléricature de notables, que constitue le parti traditionnel.
Mais j'en reviens à la mémoire. S'il est, en Suisse, à côté du parti radical, une formation politique dont l'Histoire, depuis 1848, est totalement passionnante, par sa diversité, sa complexité cantonale, ses mille sources philosophiques, la puissance de ses références (je pense évidemment à Léon XIII, et son Encyclique de 1891, Rerum Novarum), c'est bien ce qu'on appelle (au niveau fédéral, depuis 1971) le PDC.
Je me suis passionné pour cette Histoire, canton par canton. Je l'ai racontée maintes fois, à la radio. J'ai écrit des textes. La période d'opposition, 1848-1891, quand les sept conseillers fédéraux étaient radicaux, a emporté le maximum de mon attention : les conservateurs catholiques, à ce moment-là, ont condamné le progrès industriel trop rapide, le capitalisme financier, la captation des biens par des possesseurs extérieurs, les atteintes au Patrimoine, et même le saccage de la Nature. Ils étaient Verts et sociaux, avant la lettre. Ils défendaient la dimension humaine, la famille, la communauté d'appartenance, le lien à la terre.
Où est-elle, la mémoire ? Il m'est égal que le PDC change de nom. Mais je déteste avoir, face à moi, un(e) responsable de ce parti qui n'ait pas dans ses fibres le minimum de passion pour son Histoire. Dans toute sa diversité cantonale. Car ceux qui, se croyant spirituels, se contentent de répondre "Je n'étais pas né à cette époque-là", quand on les interroge sur l'Histoire de leur parti, nous jettent le plus glaçant visage du jeunisme et de l'ignorance. Rien de durable ne se fonde sans une connaissance en profondeur du passé.
S'il est, en Suisse, un parti où cet appel à la mémoire, à l'Histoire et à la philosophie vaut le voyage intellectuel et spirituel, c'est bien le PDC. Il est, à lui-seul, une Odyssée.
Pascal Décaillet