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Vital, la simplicité des Justes

 

Sur le vif - Vendredi 29.11.19 - 16.05h

 

C'était un homme long et mince, jusqu'à flotter parfois dans son complet, avec dans le visage un mélange de nostalgie et de joie d'être au monde. Il avait la parole douce des apartés, la chaleur souriante des conciliabules, il vous prenait par le bras et c'était le Conclave.

Vital Darbellay, qui nous quitte à 90 ans, c'est une conscience politique et sociale de l'Histoire du Valais. L'un des ultimes descendants de la Doctrine sociale de Léon XIII, cette Encyclique Rerum Novarum de 1891, qu'il connaissait à fond, et qui avait constitué la première grande tentative de réponse non-marxiste aux questions posées par la condition sociale des ouvriers, dans les conditions épouvantables du monde que nous décrit Zola. Le but du travail, nous dit Léon XIII, c'est d'épanouir l'humain, lui permettre d'éclore auprès de ses proches : sa famille, ses amis, ses collègues. C'est cela, et non la recherche du profit pour le profit.

Nous sommes dans une école de pensée qui fut, depuis l'enfance, matricielle pour votre serviteur, s'éloignant tout autant du capitalisme que du marxisme. D'aucuns, aujourd'hui, peinent à saisir cette troisième voie. Du Sillon, de Marc Sangnier, à la Revue Esprit, d'Emmanuel Mounier, elle est pourtant l'une des voies du salut, pour défendre la dignité des hommes et des femmes, sur cette Terre.

Conscience politique du christianisme social valaisan, l'aile jaune pour faire court, celle qui porte les couleurs du travail, de la famille, et d'un immense souci de cohésion sociale entre les humains, Vital (quel sublime prénom, qui porte en lui le souffle et l'esprit !) est à mes yeux celui qui, dans le dernier demi-siècle, a le mieux incarné cette philosophie. Chez ces gens-là, sans qu'il soit besoin de défiler le 1er Mai, on considère qu'un être humain en vaut un autre, quel que soit son genre, la couleur de sa peau, son statut social. C'est cela, Léon XIII. Et c'était cela, la secrète douceur de Vital Darbellay.

Vital fut un très grand Valaisan de l'après-guerre. Au même titre qu'un Maurice Chappaz ou un Pascal Couchepin. Président des Syndicats Chrétiens pendant vingt ans, conseiller national de 1979 à 1995, il était le Président du Groupe PDC de l'Assemblée fédérale lorsque je suis arrivé à Berne, comme correspondant, il y a presque trente ans. Il m'a immédiatement accueilli comme un frère. Il me parlait de ma famille, en Entremont, de mes oncles, d'Orsières, de Liddes, de Martigny, de la région du Saint-Bernard, de la Vallée du Trient. Il me parlait toujours avec cette douceur des chuchotements, comme s'il me confiait un secret de confessionnal. Il eût été, dans quelque monastère perdu de la Jérusalem Céleste, un Prieur incomparable.

Lorsque j'ai appris son décès, en début d'après-midi, m'est remontée l'émotion de tant de souvenirs. Celle de cette haute silhouette, aperçue encore ces dernières années dans des églises, lors du dernier adieu à des gens de ma famille. Celle, plus lointaine, qui arpentait avec la simplicité des grands, et le sourire des Justes, la Salle des Pas perdus du Palais fédéral. Il cherchait, je crois, quelqu'un à qui parler. Si souvent, Dieu merci, je fus son homme.

A sa famille, à tous ses proches, à son neveu Christophe, j'adresse mes sentiments et amitiés. Le Valais perd un homme grand. Et un grand homme.

 

Pascal Décaillet

 

 

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