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France : la fausse résurrection de l'Assemblée

 

Sur le vif - Mercredi 25.07.18 - 11.20h

 

Le ministre français de l'Intérieur, ministre d’État, obligé de passer un Grand Oral face à la représentation nationale. Après lui, toute une série de hauts fonctionnaires régaliens, et même un homme du Président, son directeur de cabinet.

 

Le tout, en direct sur les écrans TV. Le pouvoir, acculé à répondre sous serment aux élus du peuple. Ces derniers, membres de la Commission des lois, ne se privant évidemment pas de l'aubaine pour se mettre en avant devant des millions de téléspectateurs, et accessoirement devant leurs électeurs.

 

Je me demande si un quelconque réalisateur de fiction aurait été capable de faire mieux. Ces scènes en direct, avec des députés qui se prennent pour des Fouquier-Tinville, un ministre d’État dans le plus extrême des embarras, les chuchotements et conciliabules des souffleurs, les réponses rédigées avant même que la question ne fût posée, tout cela constitue un scénario qui tient en haleine. Ça tombe bien : le Mondial est fini.

 

Professeurs d'Histoire, ou d'éducation aux médias, vous devez d'urgence, dès la rentrée, reprendre les archives de ces auditions, les diffuser à vos élèves, les décortiquer, les analyser. En termes de pouvoir, de dissimulation, d'habileté ou de faiblesse dans l'ordre des mots, ces quelques heures valent tous les livres.

 

Au demeurant, dans une culture politique suisse où l'on fait tant mystère des séances de commissions parlementaires, et où l'exigence du plus grand silence est évidemment compensée, comme chez Archimède, par la fluidité des fuites, je suis désolé de dire que la France nous donne une leçon. Dans certains cas, qui impliquent la confiance dans les plus hautes autorités de l’État (c'est cela, l'enjeu réel, et non la castagne de la Contrescarpe), pourquoi diable les auditions d'une commission d'enquête parlementaire ne seraient-elles pas publiques ?

 

La richesse d'enseignements, pour les citoyennes et citoyens, sur les mécanismes du pouvoir, y est immense. Faire lire aux élèves Thucydide, Machiavel ou Clausewitz, c'est bien. Exercer leur appréciation critique de ces séances à vif, qui sont d'aujourd'hui et non d'antiques Sorbonnes, c'est encore mille fois mieux.

 

Reste une remarque, sur laquelle nous reviendrons : la petite vengeance, de jouissance bien rentrée et bien serrée, d'une Assemblée humiliée depuis 1958, donne l'impression de regain de pouvoir d'un législatif que la Cinquième République (et c'est un gaulliste convaincu qui signe ces lignes) a relégué au statut du Chambre d'enregistrement. Eh bien, ne nous y fions pas trop. Si motion de censure il y a, elle sera balayée par la majorité de Marcheurs (entendez de suiveurs du Président) élue en juin 2017.

 

Le pouvoir contre-attaquera, il a d'ailleurs déjà commencé hier avec une excellente prestation du Premier ministre à l'heure des questions. Oui, Édouard Philippe a été bon. Il ne s'est pas laissé démonter. Il a montré de l'humour, de la répartie, de l'intelligence. Il a même remis à sa place Mélenchon, en lui retournant avec brio quelque considération sur la vertu dans l’État. Bref, la Macronie n'est pas morte. L'Assemblée n'est pas ressuscitée. La France, qui n'est plus un régime parlementaire depuis exactement 60 ans, ne va pas le redevenir d'un coup de baguette magique.

 

A la minute même de l'élection de Macron, en mai 2017, nous avions titré, ici même, "Cinq ans de répit pour l'Ancien Monde". Hélas, il faudra bien, sauf événement majeur, que ce temps de cinq ans s'accomplisse. Et les successeurs de cet orléaniste sans épine dorsale ne seront pas les actuels pleureurs de l'Assemblée. C'est à une révolution plus radicale que la France doit d'attendre. Mais c'est une autre affaire. Nous en reparlerons.

 

Pascal Décaillet

 

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