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M. Mattarella et le cadavre du Cid

 

Sur le vif - Mardi 29.05.18 - 04.48h

 

En qualifiant de "geste courageux" le refus du Président italien d'avaliser la nomination de Paolo Savona aux Finances, l'éditorialiste du Temps confirme la ligne, maintes fois réaffirmée, de ce journal : placer les décisions souveraines des peuples un cran (au moins) plus bas que la permanence de pouvoirs supra-nationaux, ceux du conglomérat "européen" de Bruxelles.

 

En Italie, aux dernières élections, les partis anti-système ont gagné. Ensemble, ils peuvent former un gouvernement, cela dans la parfaite légitimité d'un fonctionnement démocratique et constitutionnel mis au point juste après la guerre, dans ce pays en ruines qui était celui du Voleur de bicyclette et de Riz amer.

 

En parfaite connaissance de cause, aux législatives, les citoyennes et citoyens de la Péninsule ont voté majoritairement pour la restauration et le primat de la souveraineté italienne, et contre Bruxelles. Oui, contre une Europe dont Rome avait pourtant été le lieu du baptême, en 1957.

 

C'est ainsi, l'Italie a changé. La vieille Democrazia Cristiana, celle de Gasperi, d'Andreotti et de Moro, cette antique et matoise constellation de Guelfes et de Gibelins, n'est plus, et depuis longtemps. Mais M. Matarrella, l'actuel Président, issu lui-même de ce monde défunt, rêve encore d'en brandir le cadavre, tel celui du Cid, à bout de bras, comme aux plus riches heures où le Trône et l'Autel se côtoyaient, dans un chuchotement sans fin.

 

Défendre la position de M. Mattarella, c'est postuler qu'il existe, plus haut que la volonté souverainement exprimée par les peuples, une autorité supérieure, prétendument au nom de "valeurs". Une sorte de pouvoir arbitral de Saint-Empire, avec voyage à Canossa pour les récalcitrants.

 

C'est précisément le corset de cette autorité, notamment ses ukases en matière de pression migratoire, mais aussi en matière monétaire, dont le corps électoral italien a voulu s'affranchir. Il a voté, en totale connaissance de cause, pour des partis eurosceptiques. Il est donc parfaitement normal que le nouveau gouvernement, a fortiori son ministre des Finances, soient eurosceptiques. Le respect du vote populaire doit être la seule, l'unique source d'inspiration du Président. C'est dans la Constitution italienne de l'après-guerre.

 

Il n'y a donc aucunement lieu de qualifier de "courageux" le geste du Président italien. Mais, au contraire, de s'interroger sur ce qu'il porte en lui d'allégeance à des forces externes (Berlin, plus encore que Bruxelles). Et d'intelligence avec des puissances situées en dehors de la communauté nationale italienne.

 

Pascal Décaillet

 

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