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Hurler au "populisme" ne résout rien

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Sur le vif - Samedi 12.12.15 - 18.52h

 

Les éditoriaux se multiplient, en Suisse comme en France, pour nous donner les recettes visant à "vaincre le populisme". Toujours, le même argumentaire : les partis qualifiés de "populistes" (dont, en Suisse, l'UDC) seraient nécessairement dans un succès provisoire. Il y aurait bien un moment où tout "rentrerait dans l'ordre".

 

Quel ordre ? Celui des partis qui, jusqu'à peu, avaient pignon sur rue. Et qui, aujourd'hui, l'ont un peu moins. Comme si la vague "populiste" (je reprends leurs termes) n'était qu'une parenthèse. Un vilain cauchemar. Et qu'un beau jour, le moins tard possible selon leurs voeux, l'électorat allait bien se réveiller. Revenir dans le giron. Dans l'ordre d'avant. Celui de ces partis "traditionnels". Bref, la Restauration.

 

Je ne partage pas du tout cette lecture. L'Histoire des partis politiques montre que ces derniers naissent, vivent, et meurent, ainsi que des personnes humaines. Regardez, en France, le Parti Radical, qui a dominé toute la vie politique de la Troisième République. Au point qu'un moment, au tournant des deux siècles (j'ai beaucoup travaillé sur cette période), il n'y avait que lui, on ne voyait que lui. Eh bien, ce magnifique parti est mort deux fois : la première en 1940, au moment de la Défaite. La seconde, en 1958, lors du retour aux affaires de Charles de Gaulle. Oh, il existe bien, aujourd'hui, ici et là, quelque Valoisien esseulé, souvent d'ailleurs de riches personnalités. Mais le parti, comme masse, comme machine de conquête du pouvoir, s'est fracassé.

 

Idem, le MRP, les démocrates-chrétiens français de la Quatrième République. Brillante composante de la Résistance, des hommes-clefs à la Libération, des Présidents du Conseil sous la Quatrième, des Pères de l'Europe. Et aujourd'hui, presque plus rien. D'autres partis sont venus, avec l'Histoire, ils ont balayé ceux d'avant, personne ou presque ne s'en est plaint, le personnel politique s'est reconverti avec une capacité d'adaptation étonnante, et plus personne n'en a parlé.

 

Je ne dis pas ici que les partis "populistes" d'aujourd'hui effaceront les autres. A vrai dire, je n'en sais rien. Mais je ne crois pas une seule seconde à une "rentrée dans l'ordre ancien". Parce que les paramètres qui sous-tendent l'éclosion des partis "populistes" indiquent un profond bouleversement de nos sociétés. En un mot, je pense que la Révolution conservatrice que nous connaissons ne fait que commencer. Pourtant, je ne ne prédis pas, à mon tour, le retour à un ordre ancien. Non, nous allons vers quelque chose de nouveau. Quelque chose d'Autre. Que nul (en tout cas pas moi) n'est capable de prévoir avec exactitude. Il ne s'agit pas de revenir aux temps anciens. Mais les temps nouveaux ne seront sans doute pas aussi "modernes" que ceux dont avait rêvé, dans une Europe opulente et pacifiée, la génération des Glorieuses.

 

Oui, je crois que cet "Autre" vers lequel nous allons sera, pour un sacré bout de temps, imprégné de valeurs plus conservatrices que celles de 1945 à aujourd'hui. Cela, avec ou sans les partis qu'on qualifie aujourd'hui de "populistes". Cette perspective, évidemment, exaspère la génération de Mai 68, elle pulvérise ses grilles de lecture. Alors, ils préfèrent qualifier de "populistes" des mouvements de fond qui leur échappent complètement. Et plus ils usent de ce mot, tellement creux, tellement inapte à l'appréhension des vrais problèmes, plus la réalité leur échappe. Ils vont finir par devenir fous. Non la folie de l'éclair, avec ses fragments de lumière, mais la folie du déni. Celle qui aveugle, celle qui isole.

 

 

Pascal Décaillet

 

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