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Pierre Maudet a-t-il compris le message du 8 mars ?

 

Sur le vif - Samedi 28 mars 2015 - 17.42h

 

« Je ne vais pas avancer à marche forcée » : l’interview de Pierre Maudet, dans la Tribune de Genève de ce matin, nous laisse sur un double sentiment quant à l’après-8-mars. D’abord, celui d’un ministre intelligent qui a su lire la carte électorale. Mais aussi, à l’inverse, celui d’un homme qui accable trop les autres dans l’interprétation de sa presque défaite, ou si vous préférez de sa minuscule victoire (54 voix). En on se dit que l’essentiel, le rapport de confiance du magistrat élu avec la police, n’est absolument pas réglé. Il faudrait à cet effet, pour peu qu’on y parvienne un jour, de longues années de cicatrisation.

 

D’abord, l’aspect positif, le ministre qui sait décrypter une carte électorale : « J’ai été surpris de voir les résultats dans les grandes communes suburbaines : c’est un avertissement pour les élections municipales ». Eh bien nous aussi, M. Maudet, nous avons fait ce constat. Nous l’avons écrit ici, 14.32h, le jour même, le dimanche 8 mars, puis trois jours plus tard dans GHI. Vous savez lire une carte, c’est bien. Il vous reste à apprendre cette technique politique de base, impeccablement maîtrisée naguère, sur toutes les circonscriptions de France, par un François Mitterrand qui était passé en 1954-55 à l’Intérieur, à quelques-uns des petits marquis ou laquais de votre cause qui, attirés par le pouvoir comme des éphémères par des phares nocturnes, adhèrent à vos paroles avec la glaise inconditionnelle d’un cadavre d’insecte sur un pare-brise. Parce que dans le genre déni, contrairement à vous et votre lucidité, ils battent les records du monde dans l’ordre de la servitude et de l’aplaventrisme.

 

Maintenant, l’aspect négatif. Ou inquiétant, pour la suite. Il réside non dans le décryptage de la carte du 8 mars, mais dans l’analyse des causes du très modeste fifty-fifty du résultat. Là, le ministre rejette trop la responsabilité, dans la TG d’aujourd’hui, sur les autres, et ne s’interroge pas assez sur les failles psychologiques dans le rapport qu’il entretient avec la police. Les coupables : les méchants socialistes, qui soutenaient la loi, mais n’ont pas fait campagne. D’autres méchants, qui ont « brouillé le message et désorienté les policiers ». Et jusqu’à la campagne elle-même, qui « ne portait pas sur l’objet ». C’est peut-être vrai, M. Maudet, mais un général ne vient pas, après la bataille se plaindre de l’état du terrain ou des armes choisies par l’adversaire : il mène le combat, c’est tout.

 

Dans le rapport, complexe et passablement empoisonné, que semble entretenir le ministre avec le corps de police, quelques mots insidieux (« Je ne suis pas rancunier, mais pas amnésique non plus »), lâchés à ma consœur Sophie Roselli, vont presque jusqu’à donner des frissons. Un votant sur deux, à Genève, a dit non à cette loi. Il s’agit certes de l’appliquer, puisque le oui l’emporte de 54 voix, c’est en ordre, la loi passe, mais tout de même, avec une tonalité d’approche où on est en droit d’espérer un effort du ministre. Un effort psychologique sur lui-même. L’interview donnée à la TG ne va pas dans ce sens.

 

Techniquement, le 8 mars, Pierre Maudet a gagné : la loi passe. Politiquement, il a perdu des plumes. La confiance du corps de police ne lui est toujours pas acquise. Le miracle électoral de la locomotive Maudet ne se produit plus. Il y a quelque chose d’enrayé dans la longue marche de cet homme brillant vers l’éternité du pouvoir. Les opposants du 8 mars, il les retrouvera un jour sur son chemin. Celui de Genève. Ou celui de Berne.

 

Pascal Décaillet

 

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