Sur le vif - Samedi 30.11.13 - 19.16h
Je scrute et décrypte les premiers signaux de la législature naissante. A chaque heure qui avance, je me dis davantage qu'elle ne sera décidément pas du tout tripolaire, comme nous pûmes le croire initialement, mais férocement bipolaire. Il y a une gauche. Il y a une droite. Les deux se sont radicalisées. La charnière centriste démocrate-chrétienne ne décide plus de rien, au Parlement, malgré ses deux ministres à l'exécutif, c'est l'un des paradoxes les plus salés de la nouvelle donne, jaillie des urnes cet automne.
Le vrai parti charnière, c'est le MCG. Sur le rôle qu'il jouera pendant ces 54 mois de législature, nul d'entre nous n'a la moindre idée, tant les premiers signaux sont illisibles et contradictoires. Par exemple, ne nous fions pas à l'apparence d'union sacrée en Commission des Finances, non ne nous y fions surtout pas avant d'avoir entendu, les 19 et 20 décembre, le rapport de majorité que nous prépare Eric Stauffer. Pour ma part, il ne m'est pas possible de voir cet homme, dans cette fonction de sage assis au milieu de l'assemblée, autrement que comme un contre-emploi.
En Commission des Finances, le MCG a joué double jeu. D'accord avec la droite sur les coupes et l'équilibre, mais d'accord aussi avec toutes les dépenses de la gauche. Non seulement ils ne tiendront pas 54 mois dans cette duplicité, mais je suis prêt à parier que les masques tomberont les 19 et 20 décembre, déjà. Les Finances sont l'un des domaines, en politique, où la clarté est la mieux récompensée, et le double jeu, le plus sévèrement puni. Dès avant Noël donc, ce nouveau groupe parlementaire de vingt personnes devra avoir des choix lisibles, fiables, reconnaissables, qui les engagent pour la législature. Il ne m'étonnerait pas que ce choix s'avère assez vite le retour à l'opposition gouvernementale. Que l'un des leurs, ex-PDC, soit au Conseil d'Etat, n'y changera rien, ou si peu. Dès lors, l'Entente pourrait bien se mettre à regarder avec beaucoup de respect et de politesse les membres du groupe UDC.
Or, au MCG, que se passe-t-il ? L'homme qui a su, discrètement mais avec talent, fédérer le parti, résister à ses ferments naturels de dispersion, et finalement le mener à la victoire, Roger Golay, va être nécessairement amené, vu ses nouvelles fonctions bernoises, à prendre du champ. Franchement dit, c'est le pire moment. Je le répète, les différents signaux donnés ces temps, notamment dans le domaine budgétaire, ne sont pas clairs. Je ne parlerai pas encore d'une incapacité à gérer la victoire, ou un groupe parlementaire trop encombrant, mais ce parti aurait intérêt, entre sa tentation de jouer les violents admirables, et celle, radicalement opposée, d'aller tâter le bourgeois dans les cocktails et sous les voûtes patriciennes, à proposer à l'opinion des choix clairs. Sans quoi, l'ombre du déclin pourrait poindre à l'horizon. Par défaut de stratégie. Par atermoiements. Le pire en politique: délivrer des messages brouillés. Ou des messages de brouille. Dans les deux cas, la Roche Tarpéienne se profile.
Pascal Décaillet