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Le parfum noir de la trahison

 

Sur le vif - Mercredi 29.05.13 - 16.59h

 

Madame Widmer-Schlumpf, je veux ici vous dire merci. Par l’acte d’aujourd’hui, qui est d’abdication et de renoncement, vous donnez quelques points (oh, je sais, ils ne suffiront pas) aux partisans, dont je suis, de l’élection du Conseil fédéral par le peuple.

 

Parce que justement, vous incarnez le contraire de toute cette part de reconnaissance, et pourquoi pas affective, émotive, que la population peut éprouver pour un magistrat exécutif. Votre présence au Conseil fédéral est le fruit d’un péché originel, le pronunciamiento d’une troïka de fortune pour éjecter l’homme qui, en octobre 2007, venait de gagner les élections. Le coup a porté. Aux affaires, vous vous êtes installée. Mais quelque chose, dans l’origine même de votre présence au pouvoir, porte le parfum noir de la trahison.

 

Bien sûr, vous êtes l’élue du Parlement. Donc, conseillère fédérale légitime, c’est en ordre, je ne vous le disputerai pas. Mais l’eussiez-vous été d’un corps électoral plus large, ces quatre millions d’électeurs qu’on appelle, pour faire court, « le peuple » ? Lesquels de vos six collègues, à part me semble-t-il Mme Leuthard, l’eussent-ils d'ailleurs été ?

 

Justement, pour avoir fréquenté de près nombre de vos prédécesseurs, dont un certain Jean-Pascal Delamuraz, je rêve d’un système où les conseillers fédéraux soient les élus du peuple tout entier. Avec lui, au-dessus de nos différences, de nos barrières cantonales, ils passeraient un contrat de confiance. Et pour une fois, une seule circonscription, la Suisse toute entière pour théâtre d’opérations, pas juste la galerie des glaces du Palais fédéral. Pas juste les 246 à convaincre, mais les quatre millions de citoyens, ceux qui ont le droit de vote. Tous les autres échelons demeureraient, les communes, les cantons, le fédéralisme, mais juste sur ce coup-là, le ciment d'une circonscription unique. L'utopie est-elle si folle ? Indigne d'un pays moderne, démocratique ?

 

Dans ce système-là, peut-être d’ailleurs seriez-vous réélue, je n’en sais rien. Mais on en aurait au moins le cœur net. Et la netteté du cœur n’est pas, Madame la Conseillère fédérale, le trait qui caractérise en première lecture votre rapport au pays profond.

 

Pascal Décaillet

 

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