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Faits d'hiver

 

Sur le vif - Mardi 17.01.12 - 16.22h

 

Eh quoi, que voudraient-ils, tous ces puristes ? Ils voudraient des purs ? Des saints ? Mais ils se trompent d'ordre ! Qu'ils entrent en religion. En carmel. Qu'ils se défassent de leurs biens, les donnent aux pauvres, sillonnent le désert dans la foulée du premier prophète. Mais la politique, la fonction exécutive, c'est autre chose. La politique, ça n'est pas la morale. Ni, bien sûr, l'immoralité. Simplement, ce qui fonde l'action politique est d'un autre ordre. Ni celui du mal contre le bien. Ni vraiment celui du bien contre le mal.

 

A quoi devons-nous juger un ministre ? A l'efficacité de son action publique. Oh, à cette aune-là, un Mark Muller aurait assurément des comptes à rendre : on ne peut pas dire que ses dossiers avancent très vite, on attend désespérément le début d'érection de la moindre tour du côté du PAV, on prend acte avec inquiétude de la fronde des communes contre le Plan directeur cantonal. Tout cela, oui, qui est d'ordre public, parlons-en. Mais ce qu'il a fait, ou n'a pas fait, au Moulin à danses dans la nuit du réveillon, ne relève, comme je l'ai écrit ici dès le premier jour, d'aucune espèce d'intérêt public. Il est en conflit juridique avec un barman ? Eh bien que la justice tranche ! C'est une voie de fait parmi des centaines d'autres, à Genève. Un fait d'hiver.

 

Ma position, vous la connaissez. Je n'en changerai pas. Mais je lis les commentaires, un peu partout. Et je vois bien que la majorité de l'opinion publique ne l'entend pas de cette oreille. Et va dans le sens, que je déplore profondément, d'une américanisation de notre vie politique. Pour ma part, je n'en veux à aucun prix. La vie privée des magistrats - comme d'ailleurs, plus généralement, la vie privée des gens - ne doit pas nous intéresser. Un conseiller d'Etat a le droit d'être amoureux de qui il veut, de sortir dans les bars qu'il veut, de faire la fête comme il veut. Et une altercation, un soir de réveillon, avec un barman, ne constitue aucunement, à mes yeux, un cas de démission ou d'impeachment, procédure qui n'existe d'ailleurs pas chez nous.

 

Ce qui me gêne le plus, c'est l'effet de paravent. Avec Muller le castagneur au premier plan, voilà que disparaissent dans une ombre salutaire les carences de Mme Rochat. Qui sont, en termes de fonctionnement républicain - l'autorité élue qui doit s'imposer, anticiper, inventer le langage plutôt que de le suivre - d'un autre danger que les faits d'hiver. Mais peut-être, en cette période où le thermomètre descend, le fait d'hiver échauffe-t-il davantage nos esprits et nos sens. Nous, humains, trop humains. Et la politique, elle, n'est ni humaine, ni morale, ni inhumaine ni immorale : elle est la politique. Et c'est dans sa logique propre qu'elle doit être jugée.

 

Pascal Décaillet

 

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