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Les noces de Calvin et de Torquemada

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Jeudi 24.03.11

 

Déjà, du côté de la gauche et des sacristies centristes, on parle de l’entrée des loups dans la Ville de Calvin. On évoque les derniers sursauts de la République de Weimar, la marche sur Rome, les pleins pouvoirs au Maréchal, la bataille de l’Ebre. Déjà, on débloque avec une printanière fureur, on bourgeonne de folie, on se fait peur avec des mots d’Apocalypse. Pourquoi ? Parce que, pour la première fois depuis le Paléolithique, les libéraux ont accepté que leur candidate à l’exécutif de la Ville, Florence Kraft-Babel, fille d’un inoubliable (et, Dieu merci, encore vivant) pasteur de la Cathédrale Saint-Pierre, figure sur la liste UDC. Elle aurait tiré en rafales, à l’aveugle, dans les Rues-Basses, à l’heure de pointe, la réprobation n’eût été pire.

 

Organiste et cheffe de chœur, c’est bel et bien une double partition que cette politicienne municipale, spécialiste des affaires culturelles, va devoir exécuter d’ici l’élection du 17 avril. D’un côté, elle figurera, avec le PDC Michel Chevrolet et le radical Pierre Maudet, sur la très sage et très convenable liste de l’Entente. Mais aussi, sous le sigle « UDC », elle figurera sur les affiches en compagnie d’Eric Bertinat. Un vrai de vrai. Anti-PACS. Anti-avortement. Ultra-catho. Avec la fille du pasteur ! Une sorte d’idylle postconciliaire, une histoire de carpe et de lapin, de feu et de glace : c’est un peu Calvin partageant la chambre de Torquemada. MDR, et LOL, et toutes ces sortes de choses.

 

Face à ces noces, une partie du centre-droit, plaintif et moralisateur, s’étrangle de honte. Et la gauche, elle, se frotte les mains, se réjouit de se retrouver majoritaire, pour une sixième législature consécutive, à la Mairie de la Ville. Une fois de plus, à Genève comme ailleurs, la droite enclenche, avec un rare talent, la machine à perdre. Une fois de plus, elle cède à des scrupules n’ayant jamais étouffé la gauche (alliée, elle, avec ses propres extrêmes), une fois de plus elle s’engage dans la spirale de la défaite. Un mal héréditaire, apparemment incurable. On vit encore sur le mythe du Centre comme pivot. Alors que Genève, comme la Suisse, doucement, se bipolarise. Il existe une gauche. Il existe une droite. Qu’elles livrent bataille, sur des fronts clairs. C’est cela, la démocratie.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

 

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