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La rose fanée

Bien sûr, il y eut Jaurès, cette grande voix qui fit vibrer la France au tournant des deux siècles. Bien sûr, il y eut Blum, les congés payés, le Front populaire, la magie de cet été 36 où la France dansait, pendant que l’Allemagne se préparait. Bien sûr, il y eut François Mitterrand, sa rose et son chapeau, sa culture littéraire, son intelligence politique. Bien sûr, il y eut Willy Brandt, et la génuflexion de Varsovie. Oui, tout cela a existé, fait partie de notre Histoire, notre patrimoine, notre mémoire. Cela portait un nom. Cela s’appelait les socialistes.
 
En Suisse aussi, nous avons eu de grandes figures. Au tout premier plan desquelles il faut placer le Bâlois Hans-Peter Tschudi, qui fit prodigieusement avancer les assurances sociales, notamment l’AVS, dans les années 60. André Chavanne aussi, l’un des pères de l’Ecole à Genève, dont le mérite ne réside pas tant dans la qualité de l’enseignement qu’il fit prodiguer que dans la réussite de l’intégration des immigrés et du baby boom.
 
Et puis, il y eut Olaf Palme en Suède, Bruno Kreisky en Autriche, bref il serait parfaitement insensé de nier la richesse de l’apport des socialistes, dans l’Histoire européenne, et la nôtre en Suisse, au vingtième siècle.
 
Mais nous sommes aujourd’hui en 2007. Nous sommes au vingt-et-unième siècle. Et je ne suis pas sûr, voyez-vous, que le socialisme, au sens classique où on l’a entendu pendant tout le siècle précédent, cette idéologie héritée de Zola, des mines, des charbonnages, des houillères, des grandes grèves, des carcans syndicaux, soit encore bien pertinente pour affronter nos défis d’aujourd’hui. Regardez les ouvriers. Ils ne s’y sont pas trompés. En Suisse, depuis pas mal d’années, ils ne votent absolument pas socialiste. Mais UDC.
 
Et ce virage, les socialistes suisses ne l’ont tout simplement pas vu venir. Engoncés dans leurs certitudes, leur éternelle confusion de la politique avec la morale, erreur majeure qu’un François Mitterrand n’a jamais commise, donneurs de leçons, redresseurs de torts, décidément plus doués pour organiser la distribution des richesses que pour la produire, ils sont, aujourd’hui, dépassés par les événements. Ce monde n’est plus le leur. Ils ne le comprennent pas. Ils n’en parlent pas le langage. Ils n’ont plus que la force de se plaindre, dénoncer les méchants à la maîtresse, regretter le temps où on les écoutait. En Suisse, comme en France, ils en ont pour des années à se remettre.
 
Mais se remettront-ils seulement en question ? Quand on entend certains d’entre eux, et même le plus brillant, au soir même de la défaite, avant-hier, n’expliquer la victoire de l’UDC que par l’argent de la campagne, c’est à désespérer. Bien sûr, l’argent a joué un rôle. Mais le talent aussi, la vigueur de l’UDC, son appétit de conquête, sa stratégie. Toutes choses qui, chez les socialistes, n’existent plus.
 
Bien sûr, il y eut Jaurès. Il y eut Blum. Il y eut Willy Brandt. Il y eut Tschudi. Mais aujourd’hui, il n’y a plus personne. Il n’y a plus que l’arrogance, le pré carré de quelques féodaux locaux à la rose bannière. Pour ce parti, voici venu le temps de la refondation. Elle sera très dure et très douloureuse.

Édito Lausanne FM – Mardi 23.10.07 – 07.50h

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