Commentaire publié dans GHI - Mercredi 26.06.24
L’Allemagne. Notre grand voisin du Nord. Près de 90 millions d’habitants. Premier partenaire commercial. Quatrième puissance économique du monde. Géant industriel, avec une capacité de réinvention sans pareille, sur le continent européen, depuis bientôt deux cents ans. Une langue, une littérature, une musique, si riches, si passionnantes, qu’elles dévorent ceux qui y sont sensibles, comme le Roi des Aulnes, dans le poème de Goethe, s’empare de l’enfant, le dérobe à son père.
L’Allemagne, c’est tout cela, et tellement plus encore. Le poids de l’Histoire, si tragique dans la première partie du vingtième siècle, mais qu’il faut assurément considérer avec ampleur, pour en saisir le fil de continuité, invisible dans un premier temps, mais qui se dévoile, au fil d’une vie d’études et de travaux. Oui, la compréhension de l’Allemagne se mérite de haute lutte, tout comme la langue grecque, ou n’importe quel sujet d’étude. Oui, il faut s’investir, s’immerger dans la passion, et doucement les connexions vous apparaissent, vous commencez, comme dans une révélation photographique, à saisir l’unité d’une Histoire, d’un destin national, derrière les paravents de la diversité. Cela porte un nom : cela s’appelle un chemin de connaissance.
Il serait terrible que ce cheminement demeure réservé à une élite. C’est pourquoi je vous invite tous, à commencer par ceux d’entre vous que l’Allemagne indiffère, à tenter quelques incursions sur les voies de connaissance. Allez sur place, et par pitié pas seulement à Berlin, longtemps destination préférée d’une jeunesse stupide, ne s’y rendant, par vols à bas coût, que pour y festoyer. Non, allez voir Hambourg, ma ville préférée en Allemagne, arpentez à pied cette cité hanséatique si riche d’Histoire, qui a su survivre au terrible bombardement britannique de l’été 43. Allez voir Lübeck, hanséatique elle aussi, la ville de Thomas Mann et de Willy Brandt. Allez voir Munich, les châteaux de Louis II, commencez même par cela, c’est le plus facile, le plus plaisant. Allez visiter la Ruhr, de grâce ne manquez sous aucun prétexte la Musée de la Mine et du Charbon à Bochum, vous y saisirez toute la bouleversante aventure des Allemands avec le charbon, depuis Frédéric II de Prusse (1740-1786). Allez voir Nuremberg, en pensant à Wagner, allez voir les dessins de Dürer. Allez voir Dinkelsbühl, Rothenburg ob der Tauber, perles médiévales intactes.
Et puis, surtout, prenez le temps de visiter les cinq Länder de l’ex-DDR : la Saxe, la Saxe-Anhalt, la Thuringe, le Brandebourg, et tout au Nord le verdoyant Mecklenburg-Vorpommern. Allez absolument voir Weimar, mais aussi Dresde, Görlitz, Magdeburg, Potsdam, Leipzig, Rostock. Prenez avec vous un livre de Thomas Mann, un Lehrstück de Brecht, écoutez Bach, Beethoven, Wagner, Richard Strauss, celui de l’Elektra et du Rosenkavalier. Baignez-vous dans la Baltique. Ne manquez pas Francfort-sur-l’Oder, la ville de Kleist, à la frontière polonaise. De grâce, tournez-vous vers l’incroyable diversité de toutes les Allemagnes. Elles en valent la peine, infiniment. Excellent été à tous !
Pascal Décaillet