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L'indignation, c'est un peu juste !

 

Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.03.22

 

Mon texte de la semaine dernière, ici même, sur l’historien grec Thucydide, est un appel à se servir de son cerveau. Face à une guerre, à moins de s’engager et d’aller combattre sur place, c’est la seule position tenable. Elle n’exclut ni la compassion, ni le soutien aux actions humanitaires, sur le terrain. Emane-t-elle de cœurs asséchés, incapables d’empathie ? Je n’ai pas de réponse à cette question. Vous pouvez, si cela vous chante, tenir les partisans de l’approche cérébrale pour des monstres, vous jugez, c’est votre affaire. Mais une chose est sûre : moralistes à la petite semaine, justiciers de la 25ème heure, vendeurs « d’indignation » sur les places publiques, sous des chaises percées, vous avez le droit de vous ébrouer comme il vous plaira, mais vous ne régenterez pas nos consciences. Vous n’enrayerez pas le mécanisme de nos analyses.

 

Nous sommes quelques-uns à avoir choisi le chemin de compréhension. Comme dans les guerres balkaniques, dans les années 1990-2000, nous garderons la tête froide, quitte à passer pour des cœurs de pierre auprès de la masse en fusion des indignés. Nous étudierons l’Histoire, sans l’instrumentaliser. Nous tenterons d’établir les chaînes de causes et de conséquences. Nous nous méfierons de toutes les paroles de pouvoir, d’où qu’elles viennent. Nous chercherons les causes des événements, les vraies, autour des intérêts économiques et stratégiques, comme dans les guerres des Balkans. Nous établirons les faits, du mieux que nous le pourrons. Nous ne nierons aucune horreur, d’où qu’elle vienne. Nous essayerons de comprendre.

 

Comme dans la décennie où s’est démantelée l’ex-Yougoslavie, nous nous passionnerons pour tous les peuples, toutes les parties en conflit. Nous tenterons de comprendre toutes les visions. Nous n’irons pas, avec des chemises blanches, nous pavaner sous les caméras, sur le terrain, pour revenir dans nos pays, moraliser dans des salons parisiens. Indignés professionnels, vous voilà avertis : vous aurez face à vous, comme dans les guerres des Balkans, d’autres voix, qui tiendront d’autres discours. Vous pourrez les qualifier, les étiqueter, les ostraciser, les diaboliser, c’est votre affaire. Mais ces voix diront ce qu’elles ont à dire. Comme elles l’ont fait pendant les guerres balkaniques. Il y aura des brouilles, des séparations, définitives parfois. Nous n’accepterons simplement pas que la totalité du champ des idées soit occupée, comme dans les années 1990, par une seule vision.

 

Tout cela, pourquoi ? Parce que se contenter de s’indigner, c’est un peu court. Il faut tenter de comprendre. Il faut s’instruire. Il faut lire. Il faut apprendre les langues. Il faut constituer les faits. Il faut établir le contexte. Il faut se méfier, comme de la peste, de toute parole de pouvoir, d’où qu’elle vienne. Il faut tenter de percer les raisons réelles, sous le jeu des apparences. On progresse en s’instruisant, pas en étalant son indignation. C’est en tout cas ma vision de l’Histoire. Ça n’est pas la vôtre ? En bien, c’est la mienne.

 

Pascal Décaillet

 

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