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Conseil d'Etat : désarroi et déprime

 

Commentaire publié dans GHI - Mercredi 03.03.21

 

A quoi sert un gouvernement ? A diriger politiquement une communauté humaine, dégager des impulsions, fixer des caps, définir de grandes orientations. Le tout, avec une vision d’ensemble, qui exige de la hauteur. Le chef ne s’occupe pas des détails, il élabore des stratégies, saisit les grands mouvements, l’œil en éveil. Il est possible, hélas, que l’actuel Conseil d’Etat genevois ne réponde pas exactement à la présente définition. Certes, il y a eu l’affaire Maudet, qui n’a rien arrangé. Certes, il y a eu la crise sanitaire, qui a pulvérisé les paramètres du prévisible. Conditions très difficiles, nous en sommes d’accord. Mais aucun de ces obstacles, désolé, ne justifiait que, dans l’ordre de l’impuissance, l’on fût tombé si bas.

 

Car le gouvernement genevois, ou plutôt le Triste Sextuor qui en tient lieu, est en train d’atteindre le degré zéro de l’efficacité. Ne parlons pas de la gestion de la crise, où il fait ce qu’il peut, Berne ayant pris tous les pouvoirs. Ne parlons pas de l’affaire Maudet, nous verrons quelle issue politique le peuple choisira de lui donner. Reconnaissons que ces deux récifs majeurs n’ont pas favorisé la navigation de la nef amirale de notre Canton. Oui, admettons tout cela, soyons justes.

 

Mais enfin, il y a tout le reste. Genève n’avance pas. Genève semble prise dans des rets, comme un banc de poissons infortunés, livrés au prédateur. Genève impuissante. Genève n’a plus envie. Genève en déprime, plusieurs centaines de mètres sous le niveau du lac. Genève sans projet, sans avenir, l’œil fixé vers le bas, tout juste accepter le destin contraire, faire le dos rond, attendre que ça passe. C’est ça, notre ambition, notre avenir ? C’est pour parvenir à ça que Genève aurait enfanté Jean-Jacques Rousseau, accueilli les nations du monde, servi de décor à Belle du Seigneur, veillé sur la jeunesse de Michel Simon, vibré aux concerts d’Ernest Ansermet ? Tout ça, pour ça ? Devenir pire qu’une ville comme une autre, un lieu sans magie ni invention, déserté par l’idée même de la grâce ?

 

On aimerait, par exemple, retrouver la puissance de grands desseins en matière de formation. Où est-elle, l’École de Genève, celle de Jean Starobinski, ou, plus populairement, celle d’André Chavanne, avec la force et la clarté d’une ambition ? Que voulons-nous transmettre, le savons-nous seulement ? Quels modèles pour nos élèves, quelles références ? L’Instruction publique n’est-elle plus que grisaille d’états-majors, rapports sur le langage inclusif, obligations de pensée climatiques, robotisation par le télétravail, déprime généralisée ? Alors qu’il s’agit de notre jeunesse !

 

On aimerait aussi circuler un peu, dans Genève. Avec, au niveau ministériel, un autre souffle que la seule peur de déplaire au catéchisme Vert. On aimerait enfin, dans l’ordre des finances, d’autres horizons que ceux de la seule dette, qui semble, comme dans l’œuvre de Jules Verne, se creuser jusqu’au centre de la Terre. On aimerait que le septième renouvelé de ce Conseil d’Etat vienne lui rendre souffle et vie. On aimerait tout cela, oui. Ou même déjà le tiers, ou le quart. Pour sortir du désarroi.

 

Pascal Décaillet

 

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