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Gilets jaunes ? Non : démocratie directe !

 

Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.12.18

 

En France, personne n’a vu venir le phénomène des gilets jaunes. Ni Macron, ni son Premier ministre, ni vous, ni moi. L’irruption, sur les routes du pays, dans les rues des villes, et jusqu’aux Champs-Elysées, de ces manants et croquants surgis des profondeurs, constitue un événement que les historiens retiendront comme quelque chose de nouveau. On a beau agiter les références du passé, l’Histoire de France n’en manque pas, on a beau évoquer les jacqueries médiévales, les foules révolutionnaires de 1789, celles de 1830, la Liberté guidant le Peuple, rien n’y fait : on ne parvient pas à circonscrire intellectuellement un soulèvement populaire qui nous dépasse.

 

Il faudra bien pourtant le comprendre. Et lui donner une réponse politique. Partie de la hausse du prix de l’essence, engendrant une colère légitime dans les périphéries sous-équipées en transports publics, la grande colère de l’automne 2018 s’est vite transformée en vague de haine contre Macron. C’est lui, maintenant, dont les foules veulent la tête. Les plus modérées exigent une dissolution de l’Assemblée nationale, les autres réclament le départ du Président. Face à cette vague, il est très clair qu’une intervention du chef de l’Etat au journal de 20h ne suffira pas. Nous n’en sommes plus là : le peuple veut du concret, sonnant et trébuchant, sans tarder.

 

Face à cette déferlante, nous, les Suisses, sommes spectateurs. Tous en tête, nous avons une question : « Aurons-nous des gilets jaunes dans notre pays ? ». Nul n’a la réponse. Mais une chose est sûre : nous avons, en Suisse, la chance exceptionnelle d’avoir la démocratie directe. Elle n’empêche pas les manifestations de rue, mais elle en atténue grandement la probabilité et surtout la fréquence. Le droit de référendum permet d’attaquer une loi parlementaire. Bien mieux : celui d’initiative donne au peuple la possibilité de lancer sur la place publique, à l’échelon du pays tout entier, des thèmes tabous, volontairement oubliés par la classe politique. Tout cela constitue des soupapes, orientant la pression non vers les clameurs de la rue, mais, concernant les initiatives, vers un changement de la Constitution. Vous vous rendez compte : en Suisse ce sont le peuple et les cantons qui modifient la Charte fondamentale du pays !

 

Nous ne sommes pourtant pas, par nature, un peuple plus sage, ni plus tranquille, que n’importe quel autre. Notre Histoire, pour qui veut bien la considérer dans sa réalité sociale plutôt que dans ses mythes, est jalonnée de combats, de douleurs, de cicatrices. Notre corps social n’est pas moins explosif qu’un autre. Mais nous avons la démocratie directe, comme antidote. De grâce, n’en diminuons en rien la marge d’action. Au contraire : planchons, dans les années et les décennies qui viennent, pour une extension de ses compétences. C’est un outil de légitimité profonde. Encore faut-il en accepter, tous les trois mois, les verdicts, sans jouer aux mauvais perdants. Vaste programme !

 

Pascal Décaillet

 

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