Sur le vif - Jeudi 02.03.17 - 16.07h
Un candidat surgi du néant. Un homme sans passé, qui viendrait se fiancer avec l’avenir. Un homme charmant, en vérité, gendre idéal, tiré à quatre épingles, souriant, charismatique au milieu des foules, télévangéliste : « Je vous aime, je vous aime tous ! ».
Un homme qui a d’abord commencé par exister comme officiant de grands-messes, avant même de dévoiler la moindre parcelle de programme. On venait le voir, lui, l’homme, le phénomène, indépendamment de toute espèce d’orientation politique pour l’avenir de la France. D’ailleurs, pourquoi s’embarrasser encore de programmes ?
D’où sort cet homme ? On ne sait rien de lui. Son parcours politique est tout récent, tout frais. Il a fait figure d’homme de droite dans un gouvernement de gauche, il a joué les orléanistes sous les lambris de la République, il est parti, il a fait campagne, il nous aime, il nous aime tous.
Il a réussi le tour de force, unique dans les annales de la Cinquième, d’occuper avec brio la piste aux étoiles, jusqu’au 2 mars de l’année d’élection, à seulement quelques semaines du premier tour, sans rien dévoiler qui pût, de près ou de loin, ressembler à un programme. Il fallait d’abord assurer la visibilité de l’homme, comme dans la promotion d’un produit, les détails ne viendraient qu’ultérieurement. Il s’est vendu lui-même, comme une crème de beauté. Un élixir. La promesse d’une Aurore Boréale.
D’où vient cet homme, de quelles arctiques latitudes ? Il n’a, dans son sillage, ni Fuites, ni Observatoire, ni bruit, ni odeur, ni emplois fictifs, ni Libération de Paris. Ah, si : il a la banque privée, comme Pompidou. Il y aurait appris « la grammaire des affaires ». Sujet, verbe, complément : je vous aime, je vous aime tous.
Mais y avait-il un monde avant la grammaire ? D’où sort cet homme ? De quels Limbes, de quelle innocence, feinte ou réelle ? Homme nouveau, Kennedy, Pepsodent, Lecanuet, réformateur, on la connaît la musique. On la connaît, mais elle marche : les tubes s’arrachent, chez le charmeur aux dents blanches.
Au-delà de l’homme, d’où vient cette candidature ? Qui la soutient, qui la finance ? En France, seulement ? Aux Etats-Unis, dans quelque officine de la Côte-Est ? Dans les milieux d’affaires, ceux qui ont intérêt, à tout prix, à sauvegarder le système de libre circulation du Capital ? Et si cette candidature, d’apparence si fraîche, si spontanée, avait été, en réalité, mûrement préparée, depuis longtemps, pour faire pièce, non à M. Fillon, qu’il s’agissait d’éliminer en premier, mais au vrai danger : celui d’une ascension protectionniste, régulatrice des flux migratoires, opposée à l’Euro, à l’Union européenne ? Emmanuel, promesse boréale de la victoire contre celle qui fait vraiment peur, de New York à Bruxelles.
En attendant, il est là. Frais comme un gardon. Il n’a toujours pas vraiment de programme, si ce n’est l’habituel fatras (mais chez la plupart des autres aussi) où tout est évoqué, sauf les intérêts suprêmes de la Nation, qui sont pourtant la seule chose qui compte, à l’Elysée. Mais foin de programme ! Laissons là ces enfantillages. Il s’agit de paraître. Le prochain meeting nous attend, le prochain cirque. Il nous aimera, il nous aimera tous. Pour des Aurores qui chantent.
Pascal Décaillet