Chronique porcine - Publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 02.09.10
Journaliste et entrepreneur indépendant, je me demande ce que diraient mes clients si je leur annonçais, unilatéralement, une augmentation de 16,7% de mes tarifs. Délirant, bien sûr. C’est pourtant ce qui va se passer, dès le 12 décembre, pour le billet « Tout Genève » de nos bus et de nos trams. De 3 francs à 3,50 francs, d’un coup, et hop, et le jour de l’Escalade, et ça vous tombe dessus comme un court bouillon, comme un tramway nommé désert.
Alors voilà, l’Etat dixit, du haut de la Tour Baudet, et le pékin n’a plus qu’à s’exécuter. Tout cela, noyé dans un communiqué gouvernemental intitulé pudiquement « La nouvelle grille tarifaire » : ils n’ont même pas osé mettre l’info principale dans le titre. Chez le cochon de payeur, tout est bon, y compris lui turlupiner l’entendement, lui tire-bouchonner l’info, le laisser seul, de profundis, jouir d’extase, dans la suintante lueur de l’auge.
Et lui, le cochon, il se réveillera, un jour ? Ou le tapis d’équarrissage lui est-il devenu si moelleux qu’il ait endormi en lui toute prétention à la révolte. Parce que c’est pour le bien, pour une bonne cause, durable, climatique, politiquement propre. Une mobilité douce comme le désir d’éternité du porcelet, quelque part au fond de l’auge. Dans l’éblouissante pâleur de la nuit.
Pascal Décaillet