Chronique publiée dans "Tribune" (Le Journal du PLR vaudois) - No 3 - Mercredi 19.03.14
La démocratie directe suisse est un tissu vivant. A peine une initiative votée, en voici déjà une autre. Après les migrations de masse, nous allons devoir commencer à parler d’Ecopop. Je vous le dis tout net : ce sera le prochain grand enjeu de notre débat démocratique. J’ignore ce que voteront le peuple et les cantons, mais assurément nous avons avec ce texte quelque chose de nouveau, en phase non seulement avec la Suisse mais avec des préoccupations planétaires. Ecopop est une votation sur la quantité de population que peut accueillir un pays, avec une surface donnée, un relief, une hydrographie. En lien avec des impératifs de protection de l’environnement. Le cocktail des deux pourrait être explosif. Et réserver bien des surprises à tous les beaux esprits qui, en cette amorce de printemps 2014, rejettent d’une chiquenaude toute entrée en matière sur ce texte. Comme ils n’avaient cessé de le faire sur celui du 9 février. Ils sont ceux, dès que surgit d’en bas un texte d’initiative, qui toujours disent non. Ils sont comme le Méphisto qui se présente à Faust, dans la tragédie de Goethe : « Ich bin der Geist, der stets verneint ». Je suis l’esprit qui toujours nie.
Que nous dit Ecopop ? Que la Confédération doit s’attacher à faire en sorte que la population résidant en Suisse ne dépasse pas un niveau qui soit compatible avec la préservation durable des ressources naturelles. Elle doit aussi encourager d’autres pays à poursuivre cet objectif, notamment dans le cadre de la coopération internationale au développement. « La part de l’accroissement de la population résidante de manière permanente en Suisse qui est attribuable au solde migratoire ne peut excéder 0,2% sur une moyenne de trois ans ».10% de la coopération internationale devraient être affectés à l’encouragement de la planification familiale volontaire. Enfin, les initiants ont eu la sagesse et l’habileté de prévoir que « La Confédération ne peut conclure de traité international qui contreviendrait au présent article ». Disposition salutaire : elle subordonne clairement la signature de traités à la volonté du souverain. D’abord, le peuple et les cantons disent le droit. Ensuite, on signe des documents avec l’étranger en fonction de cela. Et on ne vient pas, toutes charrues placées devant les bœufs, faire l’inverse : reprocher au souverain d’avoir mal voté, parce que sa décision serait « contraire au droit supérieur ». Il était temps d’y penser.
Cocktail explosif, parce qu’il met ensemble deux préoccupations majeures du peuple suisse. Ce même peuple, qui a accepté l’initiative des Alpes et celle de Franz Weber, mais aussi celle du 9 février 2014 sur l’immigration, que votera-t-il face à une mise en commun de ces deux paramètres ? Le peuple suisse, à de nombreuses reprises, dans des scrutins fédéraux ou cantonaux, a affirmé haut et fort son attachement à la qualité du biotope, mais aussi à l’éclatante beauté de certains de nos paysages (Lavaux). Et le message à retenir du 9 février, c’est qu’il commence à ne plus écouter les « milieux de l’économie » sur les questions liées à la densité de population ou aux flux migratoires. Peut-être parce que certains, parmi ces milieux, se sont un peu trop servis eux-mêmes de ces flux, pour réaliser du profit, sans trop de souci pour un habitat devenu trop dense, avec des infrastructures qui ne suivent pas. Faire des affaires, c’est sans doute bien. Avoir comme souci la préservation de notre corps social, dans un développement durable et un environnement de qualité, c’est mieux. Assurément, la dialectique autour d’Ecopop va beaucoup nous occuper, ces prochains mois.
Pascal Décaillet