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La Suisse en 2013 : pays prospère, démocratie vivante

 

Édito paru ce matin en première page du Giornale del Popolo - Titre en italien : Paese prospero, democrazia in salute - Lundi 30.12.13


 
Comment la Suisse s’est-elle portée en 2013 ? Fermons les yeux, faisons le vide, laissons remonter, en vrac, quelques souvenirs. Et disons-le tout net : sans tremper dans le mythe du « peuple heureux », nous n’avons tout de même pas trop à nous plaindre ! Nous avons certes des problèmes, mais enfin globalement, la Suisse demeure, au milieu du continent européen, un pays prospère, envié, attirant une forte immigration pour y trouver du travail, affichant l’un des taux de chômage (3%) les plus faibles du monde. C’est, aussi, un pays où quatre communautés linguistiques (à vrai dire beaucoup plus, prenons par exemple les albanophones) vivent en paix les unes avec les autres. Un système politique où, par la démocratie directe (initiatives ou référendums), la base peut s’exprimer et corriger la politique des élus. Un pays où l’on se respecte. Et où les trains ont plutôt tendance à arriver à l’heure. Loin de moi l’idée de vous figer le tableau en une sorte de paysage idéal de train électrique, mais il fallait tout de même commencer par là, avant de recenser l’un ou l’autre bémol.
 


Prenons l’immigration. Elle est, c’est vrai, très forte. Et nous aurons, le 9 février, à nous prononcer sur le sujet. Chacun votera en conscience. Mais enfin, à la base, un pays vers lequel on se précipite, c’est plutôt meilleur signe que le contraire. Nous fûmes, notamment dans la seconde partie du dix-neuvième siècle, terre d’émigration. Des Tessinois, des Valaisans, des Fribourgeois, et tant d’autres compatriotes, n'ayant plus de travail, sont allés chercher vers les Amériques, ou dans la Mitidja algérienne, ce qu’ils ne trouvaient plus au pays. Et même encore pendant que les radicaux lançaient la Suisse moderne, avec le percement du Gotthard, les voies ferrées, le capitalisme industriel, les oubliés de ce pays allaient quérir d’autres horizons. Comment ne pas penser à eux en lisant l’éblouissante première page de « L’Amérique » de Kafka, dans cet allemand si sublime, avec ce traveling sur le port de New York, et ce rêve de liberté dans les yeux de l’immigrant ?
 


La Suisse demeure un pays prospère, mais ne doit en aucun cas se reposer sur ses lauriers. Économiquement, la bataille est rude pour rester concurrentiel, maintenir notre capacité d’exportations, innover dans de nouveaux pôles de recherche et d’excellence, améliorer notre système de santé en tâchant d’en baisser les coûts. N’oublions jamais notre agriculture : nous l’avons voulue proche de l’environnement, respectueuse du bétail, orientée vers des produits de haute qualité : ce choix citoyen a un prix. Il implique un certain protectionnisme, non pour renouer avec le Plan Wahlen, mais simplement pour que nos paysans puissent survivre.


 
Sur le plan politique, les signaux de 2013 ne sont pas simples à décrypter. Dans la foulée du succès de la Lega aux élections tessinoises de 2011, les partis conservateurs, prônant la préférence aux résidents, ont marqué des points. Victoire d’Oskar Freysinger en Valais, d’Yvan Perrin à Neuchâtel (deux cantons où l’UDC n’avait jamais eu de conseiller d’Etat). Victoire du MCG à Genève, avec 20 députés sur 100, et l’arrivée au gouvernement de Mauro Poggia. Au fond, la Suisse latine, aujourd’hui, s’avère tout aussi conservatrice que les Alémaniques, elle traduit juste la tendance par d’autres sensibilités, d’autres étiquettes. Mais elle commence, dans des scrutins majoritaires, à envoyer des UDC dans les Conseils d’Etat.


 
Pourtant, lors des votations fédérales, le peuple demeure souverain, pragmatique, et ne se laisse toujours pas réduire, sur la longueur, à une seule grille de lecture, qui nous permettrait de conclure : « Il est plus à gauche, ou plus à droite ». Il refuse nettement  (9 juin) l’élection du Conseil fédéral par le peuple, donc sur ce point désavoue l’UDC. Il maintient sa confiance (22 septembre) à notre système d’armée de milice, avec le principe d’obligation de servir. Il avait dit oui à Minder, mais refuse, le 24 novembre, d’aller trop loin avec l’initiative 1 :12. Il balaye (24 novembre) le vignette à 100 francs, parce qu’il a bien senti que le paquet était mal ficelé, mal justifié. Quelles que soient nos sensibilités politiques, comment ne pas rendre hommage à la sagesse, la précision de perception des enjeux de ce peuple citoyen, rompu de longue date à un exercice fin et lucide de la démocratie directe ? Le peuple est le souverain de ce pays : pour ma part, je me félicite d’avoir un souverain aussi éclairé. De loin pas toujours d’accord avec ses décisions, mais, sur la longueur, beaucoup d’intelligence et d’équilibre.
 


Un mot enfin, très bref, sur notre politique étrangère. L’air de rien, pendant que nous avons tous le nez plongé dans nos affaires intérieures, c’est à Genève que tentent de se régler les dossiers du nucléaire iranien et du drame que traverse la Syrie. A Genève, et nulle part ailleurs. Nous les Suisses, nous avons à en être fiers : notre pays est minuscule, il est fragile. Mais, s’il voit grand, il peut nous porter très loin. A tous les lecteurs du Giornale del Popolo, j’adresse mes meilleurs vœux pour 2014.


 
Pascal Décaillet

 

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