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Conseil fédéral : des tronches, SVP !

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Samedi 09.06.12

 

« Panne de carburateur au Conseil fédéral », titraient avant-hier, dans le Temps, mes confrères Yves Petignat et Bernard Wuthrich. Et de regretter un Conseil fédéral « fragile depuis quelque temps, et au sein duquel n'émerge plus de figure forte depuis le départ de Micheline Calmy-Rey en décembre dernier ». Alors voilà, chers lecteurs, le Temps, éminent épigone du Journal de Genève où j'ai commencé ma carrière et où j'ai tout appris, est un journal sérieux, pour bourgeois de salon, un journal poli. Mais moi, naguère comme eux, j'ai méchamment évolué, comme vous le savez, vers le statut de sale gosse. Alors, le diagnostic, sur l'actuel Conseil fédéral, je vais le dire avec des mots un peu moins pesés.

 

D'abord, va pour Micheline Calmy-Rey, mais la dernière vraie sale tronche, c'était Pascal Couchepin. Dieu sait s'il m'est arrivé souvent de me trouver en désaccord, me frotter à lui, mais enfin nous avions là un profil, un parcours, un caractère. A quoi s'ajoute une rare culture historique, et même philosophique. A partir de là, qu'on fût d'accord ou non, avec lui, sur l'âge de la retraite ou les prestations AI, m'est toujours apparu comme largement secondaire. Il avait le format. Mme Calmy-Rey aussi, à laquelle, sans être socialiste (vous l'aurez noté, je pense) j'ai très souvent, ces dix dernières années, rendu hommage, ici même. Dans ces deux cas, et encore plus dans celui de Jean-Pascal Delamuraz, ne parlons pas de Kurt Furgler, le Parlement, en les élisant, ne s'était pas trompé. Il avait senti, flairé, anticipé la place que l'élu pourrait, une fois au parfum des affaires, occuper, pour l'intérêt supérieur du pays, dans notre vie politique.

 

Mais là, depuis quelques années, quoi ? La cata ! Election après élection, l'Assemblée fédérale accumule les erreurs de casting, nous sort des souris grises à la Didier Burkhalter, choisit un Johann Schneider-Ammann alors qu'elle tient l'occasion historique d'une Karin Keller-Sutter, préfère le très poli et très consensuel Alain Berset au bulldozer Pierre-Yves Maillard. Dès qu'une tête dépasse, c'est la machine à niveler, ratiboiser qui se met en place. La tondeuse ! Et voilà comment, toutes erreurs accumulées, on en est arrivé, se méfiant à tel point du pouvoir personnel, à une immense et désespérante impuissance impersonnelle. Plus personne ne décide de rien. Nul n'émerge. Il n'y a plus d'île Saint-Pierre, plus de vision d'avenir, fût-elle dérangeante. Il n'y a plus ni tunnels ni avions de combat, plus de grande réforme historique, comme le fut l'AVS à la fin des années quarante. Non, il n'y a plus que la juxtaposition courtoise et grisâtre de sept impuissances. C'est cela, votre conception d'un gouvernement ? Point n'est besoin, me semble-t-il, d'avoir lu Maurras, ni Machiavel, pour répondre : non, non et non.

 

Pascal Décaillet

 

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